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qu’on essayait de traduire en une formule précise la conciliation souhaitable, on se heurtait à cette accoutumance répulsive, et l’on retombait dans le statu quo. Souvent M. Jules Cambon et le prince de Bülow s’étaient rencontrés dans le désir d’une entente. Mais ce désir n’avait pas connu la consécration des actes. Au mois de septembre 1907, un journaliste français de Tanger, M. Robert Raynaud, avait envisagé avec le chargé d’affaires d’Allemagne, M. de Langwerth, les modalités d’un arrangement. M. de Langwerth s’en était à son tour entretenu avec son collègue français, le comte de Saint-Aulaire. Mais ni Berlin, ni Paris n’avaient fait écho à leur conversation. En décembre 1908, un mois après l’affaire de Casablanca, le dialogue reprit cependant, toujours sur les mêmes bases, entre le baron de Lancken-Wakenitz, conseiller de l’ambassade d’Allemagne à Paris, et l’auteur de cette étude. A se poursuivre ainsi, l’entretien faisait ressortir une double nécessité : garanties économiques non seulement théoriques, mais pratiques, à assurer à l’Allemagne ; sécurité politique, non seulement générale, mais particulière, à assurer à la France. À ce moment, du côté allemand, on semblait hésiter à énoncer ces garanties qu’on prodiguait verbalement, dans un texte contractuel. Quelques semaines plus tard, à la suite d’un voyage du baron de Lancken à Berlin, on reconnaissait au contraire la possibilité de préparer ce document libérateur. Et, au début de janvier, le prince de Bülow et M.de Schoen abordaient avec M. Jules Cambon la négociation décisive.

Négociation, à dire vrai, n’est point le mot. Car, dès le principe, les interlocuteurs savaient qu’ils étaient d’accord, et la rédaction de la formule qui devait enregistrer cet accord ne fut à aucun moment difficile. Le 9 février, cette formule était signée et rendue publique. Partant de l’Acte d’Algésiras, l’Allemagne et la France s’entendaient pour faciliter son application. L’Allemagne, en reconnaissant catégoriquement les intérêts politiques spéciaux de la France dans l’Empire chérifien et l’étroite liaison de ces intérêts avec la consolidation de l’ordre et de la paix intérieure, déclarait qu’elle était décidée à ne pas les entraver. La France, réitérant sa résolution de sauvegarder au Maroc l’égalité économique, affirmait qu’elle n’y entraverait pas les intérêts commerciaux et industriels de l’Allemagne. De plus, les deux puissances se promettaient mutuellement de chercher à associer leurs nationaux dans les affaires dont ceux-ci pourraient obtenir