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ils vivaient noblement, mais pauvrement. Les fiefs de Chancery, la Pleine, Mont, Chalmoux, Chigy, Montcenis, Breuil, se retrouvent dans la famille, à chaque génération, au hasard des rachats et des partages. Leurs alliances et parentés n’ont rien de très brillant. On y relève pourtant en 1588 le mariage de François Ducrest avec Aymée de Vichy, qui apparenterait doublement, de très loin, il est vrai, Mme de Genlis et Mme du Deffand. Ces fils de seigneurs peu fortunés contractent de modestes mariages avec des filles de hobereaux ou de petite noblesse locale, voire des filles de bourgeois ou de marchands. A plusieurs reprises, le nom de Chaussin reparaît dans la généalogie des Ducrest. Or, en 1697, nous trouvons dans les actes un Gilbert Chaussin, acquéreur du petit fief d’Hurly, qui est qualifié tantôt « marchand, » tantôt « bourgeois » d’Issy-Lévêque. Ce Gilbert, père de Mme Ducrest, par conséquent le grand-père de Pierre-César, est aussi le grand-père de Mme de Bellevaux. Les Chaussin et les Ducrest ont été de tout temps étroitement liés. Il y a de tout entre eux : du légitime et de l’illégitime. Ce sont des liens.

Quoi d’étonnant, donc, à ce que, y trouvant leur profit, César Ducrest et sa femme se soient entremis en bons parens, pour assurer la fortune de Lazare Ducrest, en sauvant du même coup l’honneur compromis de leur cousine Catherine Chaussin, dame de Bellevaux ?

François Ducrest, le grand-père de Mme de Genlis, avait servi dans la marine avant de se retirer à Chancery. Il mourut capitaine de vaisseau et chevalier de Saint-Louis en 1721. Sa veuve, Catherine Chaussin, éleva du mieux qu’elle put ses trois enfans ; les deux derniers, Pierre-César et Marie-Madeleine étaient encore en bas âge.

L’aîné, François, mousquetaire à l’armée du Rhin, mourut prématurément. Quant à Marie-Madeleine, elle épousa en 1731 Jacques de Sercey, comte du Jeu.

Cette tante de Mme de Genlis a une originale physionomie. Elle n’était pas belle, mais agréable et vive. Intelligente, comme tous ces Ducrest, elle a le génie de l’intrigue ; elle s’entremet pour les mariages des uns et des autres, et parfois même intervient dans les combinaisons extra-conjugales, comme l’affaire de légitimation des enfans Bellevaux, où elle fut mêlée de très près. Cette singulière personne avait la manie de se présenter dans le monde en faisant la culbute. Moreau raconte, pour l’avoir