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LA JEUNESSE D’UNE FEMME CÉLÈBRE

MADAME DE GENLIS

C’est une bien extraordinaire et divertissante histoire que celle d’Etiennette-Félicie Ducrest, comtesse de Genlis. Adulée autant que haïe, portée aux nues par les uns, décriée, ridiculisée et peut-être, — qui sait ? calomniée par les autres, elle est, dans toute l’acception du terme, une femme célèbre. Jamais elle ne connut la douceur tranquille du foyer. A tout, elle préféra la renommée : ce ne fut point sans y laisser sa réputation. Du règne de Louis XV à l’avènement de Louis-Philippe, elle vit sans s’étonner dix formes de gouvernement successives et s’assouplit à toutes. Mêlée aux sociétés les plus diverses, elle connut les plus diverses fortunes. Active prodigieusement, elle ne s’arrête devant aucune ambition, ne recule devant aucune singularité. Intrigues de jolie femme, allures puériles de petite maîtresse, austérité prêcheuse de pédagogue, fermeté virile de l’intelligence, dévotion et galanterie, elle réunit tous les contrastes dans le plus singulier, le plus hétéroclite mélange. Mais ce qui semble dominer dans son caractère, et ce qui explique la plupart de ses actes, y compris ses fautes les plus notoires, c’est une opinion démesurée d’elle-même, où se concentrent toutes ses vanités : vanité de femme, vanité de grande dame, vanité d’écrivain.