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comme disait la Correspondance d’Empire de l’Allemagne du Sud, de « confraternité européenne, » qui avait animé l’Allemagne à notre endroit. Mais, dans d’autres feuilles, on écrivait d’une encre plus forte. Tantôt on nous rappelait que « ce serait la fin de la détente, si nous tentions de mettre la main sur tout ou partie du Maroc et de jeter l’Acte d’Algésiras au panier » (Gazette de Voss). Tantôt on dénonçait nos représailles comme « insuffisamment préparées, trop violentes et trop rapides » et on nous réclamait âprement des indemnités (Gazette de la Croix). Pour intimider la chancellerie, on lui faisait quotidiennement grief de sa faiblesse (Taegliche Rundschau). On l’accusait d’avoir permis à la France « de jeter l’Allemagne à bas de son piédestal » (Zukunft). Si, en mars 1908, le chancelier et le secrétaire d’État prononçaient des discours courtois et mesurés, on les leur reprochait aussitôt. « Et, s’écriait la Gazette de Voss, après tous ces massacres de tribus défendant leur liberté, qui est-ce qui paiera les frais, si ce n’est encore le commerçant européen, qu’on accablera d’impôts et de droits de douane ? » Enfin, le Comité allemand du Maroc multipliait les réunions pour « dénoncer aux peuples civilisés l’action continue et arbitraire de la France. » Et M. Schiemann observait ironiquement : « Personne n’a chargé la France de promener dans l’intérieur du Maroc une expédition militaire, ni d’y rétablir l’ordre. »

Ce que notre intervention à Casablanca n’avait pas suffi à provoquer, — nous voulons dire un conflit diplomatique s’ajoutant aux controverses de presse, — la proclamation de Moulaï Hafid à Marrakech d’abord, à Fez ensuite, réussit à le déterminer. À l’heure même où Abd el Aziz, par son voyage à Rabat, ses entrevues avec M. Regnault et le général Lyautey, se rapprochait de la France, l’apparition d’un pouvoir rival, qui prêchait contre nous la guerre sainte, devait fournir aux pangermanistes la plus tentante des occasions de revenir aux anciennes méthodes. Dès le premier jour, ils avaient opté et pris parti pour le prétendant : « Moulaï Hafid, écrivait, en janvier 1908, la Gazette de Voss, s’est tenu sur la réserve aussi longtemps qu’il a pu, et ce n’est que lorsque tout espoir a été perdu d’arracher par d’autres moyens l’Empire chérifien aux serres de la France, qu’il s’est révolté contre son frère trop faible et s’est transformé en sauveur de son pays. » Deux jours plus tard, la Correspondance marocaine tirait la conclusion pra-