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références, ce sont des catapultes pour lancer un caillou. Et l’on n’est même pas sûr de la qualité de leurs références ! Ces livres, dont le seul mérite devrait être l’exactitude, sont bien loin d’être toujours exacts : continuellement, les auteurs se trompent par négligence ou par paresse d’esprit. Ils allèguent pour leur excuse qu’ils se bornent à « préparer des matériaux : » un grand génie viendra qui vivifiera ces ossemens !… Mais, justement, le grand génie, parce qu’il aura du génie, commencera par ignorer vos compilations ; et s’il pense quelque chose sur le sujet de vos travaux, ce sera probablement le contraire de ce que vous en pensez vous-mêmes. Et ainsi il n’y a pas de tâche plus vaine que celle où vous vous consumez !

Comme au moyen âge, le grand mot de science recouvre ce dilettantisme de l’inutilité. Il finit par abuser ceux mêmes qui sont payés pour n’y pas croire. Au nom de la science et de la vérité scientifique, ils accusent d’erreur les congréganistes. Le congréganiste altère la vérité de l’histoire, il la présente dans des livres qui en sont la contrefaçon perpétuelle ! Voilà qui est abominable à coup sûr ! Mais je crains qu’il n’y ait au fond de tout cela qu’une querelle de boutiques. Le seul tort des congréganistes est peut-être de ne pas acheter les manuels universitaires. Si les manuels congréganistes ne valent pas grand’chose, — ce que j’ignore, — ceux de la concurrence ne valent pas mieux, — et cela, je le sais ! Tel petit livre qui circule dans nos classes primaires enseigne aux enfans que les rois de France ne faisaient jamais construire d’écoles, afin de maintenir plus sûrement les petits Français dans l’ignorance. Et il y est enseigné aussi que, le matin du 14 juillet 1789, chaque Parisien entendit une voix qui lui disait : « Va ! et tu prendras la Bastille !… » Dans leur intérêt, je supplie les auteurs de ces « vérités historiques » de laisser en paix les mânes du Père Loriquet.

Quoi ? Pas même le respect des faits ? Alors, de quel front osent-ils attaquer autrui ? Critiquer, après cela, les méthodes congréganistes comme défectueuses et surannées, dénote une belle naïveté. A supposer que les deux enseignemens soient aussi creux l’un que l’autre, celui des Jésuites aurait du moins, sur son rival, l’avantage d’être un jeu exécuté avec grâce. La vieille rhétorique cicéronienne est une école d’élégance et d’ingéniosité. Si ses amplifications oratoires ne conduisent point à la vie pratique, elles ne dépravent pas les intelligences, elles ne poussent