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les deux gouvernemens s’attachaient, dans un louable esprit de concorde, à résoudre ces conflits locaux par des solutions transactionnelles. Il était clair que ni leurs agens, ni leurs nationaux, ni leur presse ne secondaient ces arrangemens par un esprit de bonne volonté et de confiance dans l’avenir.

Le massacre à Casablanca, à la fin de juillet, de huit Européens, dont cinq Français, le débarquement de nos marins, le bombardement et l’occupation par nos troupes de la ville et de ses environs, l’hypothèse envisagée, peu de semaines après, par M. Pichon, dans une note aux puissances, d’envoyer des détachemens français et espagnols dans les autres ports ouverts, surexcitèrent des soupçons déjà éveillés et fournirent un aliment nouveau aux anciennes attaques. Dès le 1er août, le chargé d’affaires de France s’était rendu à la chancellerie pour faire connaître au gouvernement impérial les mesures arrêtées par son gouvernement, et il y avait rencontré l’accueil le plus courtois. Mais bientôt le ton de la presse trancha avec les paroles obligeantes qu’avait prononcées M. de Tschirschky en recevant notre représentant. Les pangermanistes, comblés des faveurs du pouvoir au temps où leur ardente propagande Deutschland über alles ! appuyait utilement les campagnes navales de la chancellerie, commençaient à s’affranchir de la tutelle qu’ils avaient d’abord sollicitée. Forcé, surtout depuis la dissolution de 1906 et la ruine de son ancienne majorité, d’observer sur le terrain intérieur une prudence extrême, le gouvernement impérial ne pouvait pas ne pas tenir quelque compte des exigences marocaines de ce parti « petit, mais puissant. » Il n’avait pas, semble-t-il, de parti pris agressif contre la France. Livré à lui-même, il nous eût probablement laissés libres, et cela avec d’autant moins de risque que nous ne songions guère à abuser de cette liberté. Continuellement harcelé par des manifestations irritées, il inclina peu à peu à des initiatives qui n’avaient pas à notre égard un caractère amical.

D’abord, pendant dix mois, les journaux furent seuls à prendre position contre nous. Au moment où il fut question d’occuper les ports (septembre 1907), la Gazette de l'Allemagne du Nord se borna à souligner le caractère provisoire des mesures annoncées, à insister un peu lourdement sur son désir de ne pas voir « se renouveler les graves dommages subis à Casablanca par les commerçans étrangers, » sur le sentiment de condescendance et,