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nous traversons, le directeur, d’un geste discret, me désigne un portrait sobrement encadré :

— Monsieur mon père ! me dit-il encore.

Il soulève son chapeau. Je me découvre, à son exemple, — et nous sortons. Mon compagnon, qui a tiré sa montre, me confie :

— Maintenant, c’est l’heure de la prière ! Si vous voulez y assister, vous verrez, c’est très impressionnant !…

Nous nous acheminons vers la chapelle. Devant une des portes latérales, j’aperçois un petit homme aux gestes vifs, à la physionomie spirituelle, qui cause avec un vieillard pâle, long et maigre, en tenue de clergyman. Le directeur me présente, et, se tournant vers le petit homme :

— Monsieur mon père ! me dit-il, avec un accent plein de déférence.

Stupéfait, je fus à deux doigts de lâcher : « Comment ! il n’est donc pas mort ? » C’était presque une désillusion pour moi. Mais je fus bien heureux, tout de même, après l’avoir contemplé en marbre et en peinture, de voir, en chair et en os, le célèbre M. Bliss !

Ensemble, nous prenons place sur l’estrade qui s’élève au fond de la chapelle. Des rangées de chaises y sont disposées pour les professeurs. Au milieu, le vieillard maigre, la toge aux épaules, se tient debout devant un pupitre où une gigantesque bible est ouverte… Un piétinement nombreux, une rumeur d’écoliers lâchés : ce sont les élèves qui arrivent. Ils s’installent au petit bonheur, sans ordre apparent, et, dès que le silence s’est établi, toute l’assemblée entonne un cantique, que l’orgue accompagne. Puis, le pasteur prononce une brève exhortation. L’exhortation finie, nouveau silence ! on se recueille et on médite pendant quelques minutes. Je regarde ces jeunes gens : quelques-uns, la tête entre les mains, ont pris l’altitude de l’oraison. La plupart se bornent à observer une contenance correcte. Sitôt que la décence le permet, des groupes entiers quittent leurs bancs, d’autres les suivent, et c’est, en moins de rien, une débandade générale vers les cours de récréation. Sermon compris, la prière n’a pas duré un quart d’heure.

Je suis un peu déconcerté par ce sauve-qui-peut si rapide. Mais le directeur m’explique, qu’afin de développer chez ces jeunes Orientaux le sens de la responsabilité morale et du self-government, on ne leur donne, à la chapelle, aucun signal qui