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de la monnaie qu’on remue, qu’on échange et qu’on aligne en piles égales. Jamais le réalisme de la « leçon de choses » n’a été poussé plus loin. Des cages vitrées ont été aménagées pour les futurs caissiers, des bureaux et des comptoirs pour les futurs commerçans. Rien n’y manque, ni les casiers encombrés de gros livres à des verts, ni les fauteuils de moleskine, ni les coffres-forts. Enfin, l’illusion est complète. Non seulement, les jeunes gens s’y familiarisent avec la théorie de leur profession, mais ils en exécutent déjà tous les gestes. C’est ce que j’ai vu de plus fort comme éducation pratique !

Et, — je n’ai pas besoin d’y insister, — les exercices physiques, voire athlétiques, ne sont pas moins en honneur au collège que l’enseignement réel ! Je vous fais grâce des gymnases, des pistes de tennis et de croquet, dont les cours sont généreusement pourvues. Le foot-ball y triomphe comme chez les Jésuites. Seulement, ici, ce ne sont pas des séminaristes en soutanes qui lancent le ballon, mais de jeunes Musulmans, coiffés du tarbouch écarlate.

Tout cela n’est rien : la partie maîtresse, et, comme qui dirait, le joyau du collège, c’est la Faculté de médecine. Avec une légitime fierté. M. Bliss m’y entraîne. Je me recule pour mieux contempler cet édifice fastueux. Puis nous nous approchons : au fond du vestibule, sur un piédestal, trône une statue de marbre blanc, qui représente un pasteur, revêtu de sa toge. Mon compagnon se découvre respectueusement :

— Monsieur mon père ! me dit-il, d’un ton bas et pénétré.

Je salue, moi aussi, cet illustre mort ; et, me souvenant des paroles louangeuses du Père Ray, à propos du fondateur de la maison, je songe en moi-même : « Décidément, c’est plus que la gloire, c’est l’apothéose ! » Un sentiment de vénération se mêle à mes éblouissemens, tandis que je parcours l’enfilade des salles de conférences, des laboratoires et des musées.

Enumérerai-je les richesses des collections qui défilent sous mes yeux ? Il y en a d’archéologie, de géologie, de paléontologie, d’histoire naturelle et de botanique. Je m’extasie devant des raretés végétales venues de tous les pays du monde, devant des échantillons incomparables de la flore indigène. Je crois bien que toutes les espèces de cèdres du Liban sont ici, identifiées et cataloguées… Nous nous hâtons, — il faudrait des journées pour examiner chaque chose en détail ! Dans une des salles que