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Jérusalem. Une telle abnégation concilie aux sœurs de Saint-Vincent de Paul le respect des Musulmans eux-mêmes.

Et, bien entendu, à côté de ces œuvres de bienfaisance, elles soutiennent des œuvres d’éducation et d’instruction. Dans ce grand bercail des abandonnés, des infirmes et des désespérés, il y a place pour des écoles primaires. Mais, comme chez les Israélites, c’étaient les ateliers surtout qui attiraient ma curiosité. Nous vîmes donc des salles entières, où l’on enseigne aux pupilles de l’hospice la cordonnerie, la menuiserie, le tissage.

— Bientôt, expliqua la supérieure, nous nous suffirons à nous-mêmes, grâce aux produits de nos élèves. Ce sont eux qui ont fabriqué les souliers qu’ils ont aux pieds, qui ont tissé les étoffes qui les habillent. Nos meubles, nos portes et nos fenêtres, tout cela est leur œuvre… Mais je vais vous montrer des travaux plus délicats !

Nous entrâmes alors dans un atelier de repassage, où l’on chantait et où l’on bavardait ferme : une vraie blanchisserie française, où d’ailleurs on apprête aussi bien la lingerie indigène que la lingerie européenne ! On s’y évertue, pour les amidonnages, à imiter le « glacé » parisien, et l’on réussit également les tuyautages, le neigeux et le vaporeux des dessous féminins. La sœur n’avait pas besoin de me faire remarquer ces raffinemens de zèle chez ses élèves. J’avais été leur client pendant mon séjour à Jérusalem et je savais à quoi m’en tenir sur les talens de ces jeunes personnes. Je n’ignorais pas non plus qu’elles sont aussi habiles couturières que repasseuses distinguées. Néanmoins, ma surprise fut vive de constater, chez les Sœurs de Saint-Vincent de Paul, un atelier de coupe et de couture, où l’on ne se borne point à la grosse confection courante, mais où l’on entreprend des toilettes, — voire de grandes toilettes à la dernière ou avant-dernière mode de Paris. La cornette blanche de la religieuse, qui préside à ces prouesses, met une note imprévue parmi tant de mondanités. On a confiance, paraît-il, dans la sûreté de son goût. Les dames musulmanes de Jérusalem, femmes de fonctionnaires ou d’officiers, lui commandent leurs robes d’apparat. Les Européennes elles-mêmes recourent à ses élèves pour des travaux moins importans. Lorsque je visitai l’ouvroir, ces demoiselles étaient fort occupées à la bâtisse d’un trousseau destiné à la fille d’un consul, qui allait se marier.