Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 52.djvu/762

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

près semblable, sauf la coiffure, à celui de nos collégiens. Lorsque ces jeunes gens défilaient dans la rue, en rangs, sous la conduite d’un maître d’études, j’avais un instant l’illusion de me retrouver dans une de nos villes françaises. Cette illusion est bien plus déconcertante dans les quartiers musulmans de Constantinople. Brusquement, en quittant le Grand Bazar, où se perpétue en partie le décor oriental traditionnel, on tombe sur une sortie de classes, toute moderne d’aspect. Des enfans et des adolescens vêtus à l’européenne se précipitent au dehors, avec des bousculades et des cris. Ils tiennent des serviettes sous le bras, d’autres balancent un petit paquet de livres attachés par une courroie de cuir. Il en est qui enfourchent des bicyclettes déposées dans le vestibule de l’établissement. Quelques-uns ont leur coupé qui stationne à la porte : c’est une sortie de Janson-de-Sailly, ou d’un lycée parisien des quartiers riches.

En Egypte, — au Caire ou ailleurs, — la similitude se poursuit plus exacte et plus saisissante. Vienne seulement l’époque des examens, une sorte de fièvre pédagogique s’empare de la jeunesse cairote ou alexandrine. On se croirait au quartier Latin, lorsque la saison des licences et des baccalauréats bat son plein. Comme sous les marronniers du Luxembourg, on ne croise, sous les ombrages de l’Esbékieh, que des adolescens au teint pâle qui repassent fébrilement leurs manuels ou leurs cahiers de cours. Les murs du ministère de l’Instruction publique sont tout bariolés d’affiches et de placards : ouvertures de sessions, listes d’admis ou d’admissibles, programmes d’écrit et d’oral. L’antique Sorbonne ne nous offrait pas, en juillet, un plus édifiant spectacle. Et l’agitation des maîtres ne le cède point à celle des élèves. D’un bout à l’autre de l’Egypte, on mobilise des jurys-Ce professeur, qui vous salue en coup de vent, n’a pas le temps de vous écouter : il part, le soir même, pour Minieh, faire passer le certificat d’études primaires. Son collègue, que vous essayez vainement de retenir, se dérobe avec la même hâte trépidante : il part pour Alexandrie, où il va fabriquer des bacheliers.

Ce beau zèle de l’enseignement officiel serait, à coup sûr, moins fervent, s’il n’était stimulé par la concurrence de l’enseignement libre. Or celui-ci rayonne et se diffuse à travers tout l’Orient. Sans parler des écoles grecques qui sont innombrables, les écoles religieuses fondées par les Occidentaux se sont