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déprédations des Infidèles. J’ai exhorté le Très-Chrétien à se montrer le défenseur de la religion, à l’exemple de ses aïeux.

« Lorsque j’eus terminé, Il s’entretint quelques instans avec deux personnages qui se tenaient à ses côtés, et me fit répondre par l’un d’eux qu’on avait fortement prévenu Sa Majesté Royale contre ma personne, en Lui affirmant que j’avais toujours été l’adversaire de son entreprise, mais que, malgré tout, Il voulait bien admettre de bon cœur mes excuses.


« Pendant cet entretien survint le révérendissime cardinal de San Severino, et le Roi, terminant mon audience, l’entraîna à l’écart pour l’écouter. Je me retirai donc… »


Et c’est ainsi que finit cette ambassade, lamentable pour le cardinal de Sienne au point que, quand il rentrera à Rome, quelques mois plus tard, personne ne viendra à sa rencontre : cruel retour après un si brillant départ !

Le dernier espoir des Piccolomini semble perdu ; accablé, le cardinal pense que c’en est fait, désormais, de son rêve grandiose, dans lequel le berçaient et son propre désir, et celui de sa famille, de sa ville, de son pays entier.

Et pourtant, les événemens ont d’extraordinaires reviremens : lorsque mourra Rodrigue Borgia, telles seront les rivalités entre les deux cardinaux le plus en vue, La Rovère et Amboise, concentrant dans leurs personnalités respectives l’antagonisme de la France et de l’Italie, tel sera l’imbroglio des intrigues, que le conclave aura peur des conséquences, et le Piccolomini atteindra enfin cette tiare tant désirée : figure bien effacée alors, à côté de ces deux redoutables jouteurs, mais vainqueur justement pour cette raison qu’il n’inspirera de craintes à personne.


CH. MAUMENE.