Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 52.djvu/706

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du Roi ; et alors, pour ne pas risquer une nouvelle et plus-grave insulte à sa qualité d’ambassadeur, en moins d’une heure il s’enfuit, plutôt qu’il ne s’en va.

Toutes ces alternatives, toutes ces humiliations, il les écrit[1]fidèlement au Pape, en se lamentant, et il lui confie, avec son chagrin, son intention d’aller se retirer dans un monastère, pour y déplorer l’injure faite au Saint-Siège en sa personne.


VII. — L’OBSERVANCE

En face des hauteurs enfermées dans la ceinture des murailles de Sienne, la colline de la Capriola s’isole comme un désert de verdures ; à son sommet pointe un campanile, et, sous un bosquet de pins, au travers d’un rideau de cyprès, on apercevait l’église et les bâtimens de briques, — alors tout neufs, — de l’Observance. Mais un profond ravin, masqué par d’épaisses broussailles, creuse un abîme entre la ville et les pentes rapides que couronne le monastère, paraissant mettre une barrière entre le monde et cet asile de recueillement.

C’est là que le cardinal cachait sa déconvenue. De Lucques, il y était arrivé après bien des angoisses, marchant jour et nuit sur des routes encombrées par les avant-gardes et les coureurs du Roi, tremblant à chaque instant de se voir insulté, lui, prince de l’Eglise, ou quelqu’un de sa suite, par cette soldatesque dont il avait une si grande frayeur. Là, au moins, sa personne serait entourée du respect habituel, il pourrait méditer sur les moyens de réparer cette atteinte au crédit de son nom, et attendre les événemens dont il apprendrait les premières nouvelles. L’état de son âme se révèle dans ces quelques lignes qu’il écrit, le 13 novembre, à Podocataro, son collègue au Sacré-Collège, par lequel il se fait tenir au courant de ce qui se passe au Vatican : « Me voici dans ma patrie, où je tâche de parer au salut de ma famille, car moi et tous les miens avons été signalés au Très-Chrétien comme Aragonais et pientins.

« Espérons en Dieu ! qu’il nous fasse la grâce de nous arracher aux mains de nos ennemis ! »

Il avait appelé auprès de lui son neveu Giovanni, pour lequel on ambitionnait déjà le chapeau de cardinal. Quant à son frère

  1. Lettre du 8 novembre, de Fucecchio (Toscane).