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IV

Il nous reste à savoir quelle a été l’influence effectivement exercée par l’école Grundtvig. Au dire des juges compétens, on ne saurait l’estimer trop haut, ni rendre assez justice à ses résultats psychologiques, sociaux et économiques. C’est une opinion générale en Danemark[1]que « l’échelon intellectuel du paysan danois est supérieur pour la portée, la profondeur, à celui du citadin. » Or ce sont les écoles supérieures populaires qui ont ouvert à la vie mentale cette classe paysanne que Bjornson, l’illustre poète norvégien, caractérise comme « la plus cultivée de toutes les campagnes d’Europe ; » ce sont elles qui « éveillent l’intérêt dans le pays et y soufflent la vie ; elles élargissent le cercle des idées de la population, cultivent son esprit et lui inspirent un sentiment plus ardent pour l’idéal, un enthousiasme actif pour l’instruction[2]. » Vivifiée par ce ferment, le sentiment national joint au sentiment religieux, fécondée par le contact avec un milieu cultivé, l’intelligence paysanne trouve ensuite aisément l’aliment à s’assimiler et la carrière où s’exercer. La preuve en est qu’il n’y a pas en Europe un paysan qui ait, au même degré que le paysan danois, l’habitude de la lecture, avec les moyens de la satisfaire. Les livres sont nombreux dans les fermes de Laland, de Fionie, de Sélande, et parfois même les véritables petites bibliothèques. Tel métayer de Fionie, adepte ardent de Holberg, en possède les ouvrages complets, et débite par cœur de longues tirades des comédies ou satires, Peder Paars et Niels Klim ; un métayer, son voisin, possède quatre-vingts volumes de la période littéraire d’Œhlenschlæger, avec bon nombre d’ouvrages concernant la mythologie grecque et Scandinave, la flore danoise et les sciences. Dans le Jutland, les collections de 40 à 50 volumes ne manquent pas : comédies de Holberg et de Hostrup, œuvres d’Œhlenschlæger, d’Ingemann, de Bjornson, d’Ibsen, etc., parfois de Walter Scott et de Dickens, sans parler des ouvrages d’histoire[3]. Et toujours ces paysans liseurs sont d’anciens tenans des Folkehœjskoler.

Au point de vue moral et social, l’effet de l’école Grundtvig

  1. Le Danemark, p. 251.
  2. Ibid., p. 125.
  3. Ibid., p. 246, 247.