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régénération intérieure, elle se mit à la besogne, et s’il lui fallut plus d’un demi-siècle pour réussir, on ne-peut nier du moins qu’elle n’ait réussi, sous la conduite d’un leader éminent dont la figure domine et dont le génie semble diriger toute l’histoire psychologique du Danemark au XIXe siècle.

Fils d’un modeste pasteur rural, Nicolas-Frédéric-Séverin Grundtvig naquit à Udby (Sélande) en 1783. D’abord professeur de collège, puis ministre luthérien, décoré sur la fin de sa vie du titre honorifique d’évêque, prédicateur attitré de l’église de Vartou à Copenhague où, jusqu’à sa mort en 1872, une foule d’admirateurs enthousiastes venait l’écouter chaque dimanche, Grundtvig consacra le meilleur de lui-même à sa religion et à son pays. Théologien orthodoxe, et en théologie adversaire ardent du rationalisme à la mode, historien de l’antiquité danoise, admirateur et restaurateur de la vieille littérature nordique où, en fidèle patriote, il cherchait à retrouver l’esprit et la tradition de sa race, poète, orateur, enfin et surtout éducateur, il fut tout à la fois, même homme politique, et fit sentir son action maîtresse dans toutes les directions où s’exerça au cours du siècle le mouvement du relèvement national danois.

C’est dans le domaine politique, disons-le tout de suite, que son action fut la moins heureuse. On sait que dès 1830, sous l’influence de la Révolution de Juillet, la vie politique s’était ranimée en Danemark, et qu’un mouvement libéral était né qui avait abouti en 1834 à la création de quatre Etats provinciaux, grandes assemblées consultatives où se formèrent les premiers « partis : » le parti conservateur, le parti libéral ou bourgeois (dit national-libéral en raison de ses vues irrédentistes sur la question du Slesvig-Holstein), enfin le premier embryon du grand parti de l’avenir, du parti radical ou paysan. Après une féconde période de réformes législatives (1835-1842), le pays obtint enfin en 1849 une Constitution qui, révisée en 1866, lui donna deux Chambres, un Folkething élu au suffrage quasi universel, et une Chambre haute (ou Landsthing) élue à un suffrage à deux degrés[1], avec un gouvernement constitutionnel, mais non proprement parlementaire, sous la suprématie de la Couronne. Rendre parlementaire ce gouvernement, obliger la Couronne à choisir le ministère dans la majorité de la Chambre basse, tel fut dès lors

  1. Douze membres, sur soixante-six, sont nommés à vie par la Couronne.