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nouvelles avec désintéressement. A peine les abonnemens qu’ils faisaient payer suffisaient-ils à couvrir les frais de copie et de distribution. Mme d’Argental établit à son tour, dans son hôtel, un bureau de nouvelles, reproduction des nouvelles de la Paroisse, mais dont elle tirait de sérieux profits, grâce au sens pratique dont sa jolie petite tête était pourvue.

Toute cette organisation nous est révélée par un bulletin devenu célèbre dans l’histoire littéraire du XVIIIe siècle, bulletin rédigé en date du 9 mars 1722, pour l’édification du lieutenant de police, par le chevalier de Mouhy.

De nombreux historiens déjà en ont fait usage et tous ont cru devoir placer Mouhy parmi les habitués de la Paroisse. Ce bulletin même y contredit. C’est à peine si Mouhy, en circonvenant les domestiques, parvient à se procurer des renseignemens, très précieux pour l’histoire, mais incomplets.

« Il faudrait avoir, écrit-il, des gens qui bussent avec des domestiques de confiance ou mécontens. Mais ce qui est certain c’est que Mme d’Argental tient aussi un même bureau de nouvelles, qu’elle est l’intime amie de Mme Doublet comme M. le chevalier de Choiseul ; qu’un nommé Gillet, son valet de chambre, est à la tête du bureau tenu par les laquais, que l’on paye à la feuille ; que ces bulletins sont bons parce que c’est le résultat de tout ce qui se dit dans les meilleures maisons de Paris ; qu’ils s’envoient en province pour 12, 9, 6 francs par mois… S’il me revient d’autres renseignemens, ou que j’apprenne des choses utiles, je me croirais heureux de vous donner les preuves de mon respectueux et parfait attachement. »

La note rédigée par Mouhy, à la demande de Sartine, avait été provoquée par une fausse nouvelle que les gazetins d’Argental avaient lancée le 1er mars 1762 et dont le prince de Beauvau avait eu à se plaindre.

En juillet suivant, autre alerte. Les bulletins de Mme Doublet ont répandu que l’escadre commandée par M. de Blénac aurait été capturée. Choiseul se fâche. Il en écrit à Sartine : « La nouvelle de Mme Doublet est fausse et ne fait de tort à l’escadre du Roi, mais elle fait tort aux papiers publics qui varient suivant de semblables nouvelles. Je n’ai pu m’empêcher de rendre compte au Roi de ce fait et de l’impudence intolérable des nouvelles qui sortent de chez cette femme, ma très chère tante. » En conséquence, le lieutenant de police se transporta de nouveau