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termes duquel plusieurs membres des conseils législatifs seront désormais élus par le suffrage direct.

En résumé, après le vote des lois d’exception contre les anarchistes, le gouvernement a étudié une série de mesures en vue d’initier peu à peu les Indous à l’administration du pays.



La métropole, qui prend d’énergiques décisions pour enrayer le mouvement nationaliste, doit, si l’on en croit lord Salisbury, s’armer de patience : « Il est plus aisé de combattre la peste ou le choléra, qu’un sentiment populaire. » Sans doute ici, l’esprit réformiste, loin d’être populaire, n’est encore que le privilège d’une infime minorité d’intellectuels qui s’intitulent la « Jeune Inde. »

Du jour au lendemain, la métropole ne saurait évidemment accorder en bloc les satisfactions chères aux plus modérés. L’Inde ne peut encore aujourd’hui se passer des Anglais. Écoutez sir Henry Cotton : « Évacuer l’Inde immédiatement et sans précautions correspondrait à l’acte d’un homme qui s’emparerait d’un enfant pour l’abandonner dans une jungle pleine de tigres. » Toutefois, les Anglais tiennent compte de l’esprit nouveau qui fermente du Nord au Sud. Ils sentent qu’une action s’impose en faveur de cette riche colonie, même à ne considérer que son rôle commercial : les échanges anglo-indiens ont atteint 5 milliards et demi en 1907.

L’évolution se poursuit lentement parmi ces peuples. Déjà, l’enseignement occidental a porté quelques atteintes au système des castes. On rêve en songeant qu’avant la révolte de 1857, les Indous ne pouvaient, sans souillure, toucher aux produits européens, ni voyager sur mer sans encourir les foudres des brahmanes. Tout cela est de l’histoire ancienne ; mais nous sommes encore fort éloignés de la fusion si désirable. Seuls, des rêveurs entrevoient dans les brumes de l’avenir l’abolition de cette hiérarchie surannée, qui entraînerait l’esprit d’entreprise, la fondation d’associations financières, de sociétés de bienfaisance et de secours, de mutualités si fécondes en résultats ; qui, enfin, mettrait en circulation pour des travaux d’intérêt public les millions de lacks de roupies accumulés dans les cachettes. Ce serait une révolution.