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pas, comme autrefois, longuement le contact ; ils ne cherchent plus, sur les contreforts de l’Himalaya, parmi les rhododendrons en fleur, un lieu en harmonie, par son altitude, avec leur tempérament, pour en faire un centre principal.

La saison chaude réunit la plupart d’entre eux dans les montagnes du Nord, comme l’été réunit les diplomates de Rome sur les hauteurs de Camaldoli. Mais, s’ils obtiennent un congé, vite ils partent pour l’Europe. Circonstance aggravante, ces agens manquent de souplesse ; leur raideur envers les Indous, vieux reste d’un passé disparu, contraste avec la marche des idées. Au lieu de se rapprocher tout au moins de ceux qui offrent une certaine surface par des examens passés avec succès, et une influence réelle comme journalistes ou littérateurs, ils se contentent de répéter le mot de lord Curzon : « L’Inde est un réservoir de troupes et de main-d’œuvre, » en ajoutant tout bas, en guise de commentaire : Cette région, quatorze fois grande comme le Royaume-Uni, n’est qu’une propriété de rapport, une simple ferme à exploiter. Seulement, il ne faut pas que la révolte des fermiers amène la fin de l’exploitation.

Lord Morley ne pense point ainsi : « Les mauvaises manières et une supériorité injurieuse sont, dit-il, désagréables en, tout pays ; mais l’Inde est la seule région où des manières mauvaises et trop supérieures constituent un crime politique. »

L’attitude glaciale des administrateurs a une part indéniable dans le mouvement anti-anglais. En tout cas, le prestige de ces agens a fléchi : sous l’impassibilité coutumière, perce l’animosité indigène. Certains Indous, paraît-il, ne gardent même plus, devant les dominateurs, le respect extérieur, demeuré si longtemps une règle inflexible.

Entre les administrateurs et les administrés, reste donc béant un ravin profond, que le gouvernement ne cherche point à combler. Absorbé par des préoccupations multiples, le vice-roi n’a ni le temps, ni la volonté de diriger l’opinion. Telle est la situation véritable que le secrétaire d’Etat caractérise en quelques mots : « Le gouvernement connaît peu l’esprit public ; le public ignore les intentions du pouvoir. » D’où, malentendus sans issue.

Reste à examiner l’éducation, ce « puissant levier capable de soulever le monde. » L’éducation des Indous pour laquelle l’Angleterre dépense avec sollicitude des millions de lacks de