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Là-dessus, visiblement ému, l’empereur François-Joseph signa sur le bureau qui était dans ma chambre, et, me remettant le papier, il me dit : « Tenez, c’est un grand sacrifice que je fais de céder ma plus belle province. »

Il était huit heures moins quelques minutes ; pendant le quart d’heure qui me restait, nous causâmes assez librement. Il me demanda des nouvelles de l’Impératrice et de ma femme, me parla de la précision de nos armes et de notre nouvelle artillerie, de l’amertume qu’il ressentait contre les confédérés et ceux qui auraient dû l’appuyer, de la satisfaction qu’il aurait de voir la paix conclue sans congrès.

« Ils seront bien étonnés à Berlin, dit-il en souriant. Je n’en suis pas fâché. J’aime mieux céder à l’empereur Napoléon qu’à un congrès. Si nous pouvons nous entendre sur les affaires d’Italie, il n’y aura plus de raison de discorde entre nous. En Orient, nous pourrons être d’accord.

— C’est vrai, dis-je, mais, pour cela, sire, il faudrait peut-être régler la question italienne autrement que ne veut le faire Votre Majesté.

— Croyez que j’ai fait tout ce que je pouvais. »

Je remarquai la différence d’attitude entre nous deux ; en arrivant, pendant notre première conférence, c’est moi qui étais pressant et tâchais de le convaincre avec tous les ménagemens de forme ; actuellement, c’était lui qui avait pris mon rôle et moi qui étais devenu très froid et très réservé.

J’évitai avec soin dans ma conversation tout ce qui pouvait avoir trait à des arrangemens financiers à prendre entre l’Autriche et la Lombardie. Plusieurs fois, l’Empereur y fit des allusions, très indirectes, il est vrai, que je me gardai bien de relever.



Ces questions sont compliquées. Je ne crus pas que c’était le moment de les traiter. Il n’en était pas parlé dans les préliminaires et l’empereur Napoléon ne m’en avait pas dit un mot. Je pensai qu’il fallait, à cet égard, laisser pleine liberté aux plénipotentiaires qui auront à traiter la question de partage de la dette publique, — la revendication de tous les fonds des institutions indépendantes que l’Autriche s’est illégalement appropriés.