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Je quitterai mes sœurs pour le suivre ; ma mère
Devant ma place vide, et durant quelques jours,
Peut-être, évoquera de pareilles amours
Et revivra sa part de jeunesse éphémère.

Et nous irons tous deux sous le ciel infini,
Car, la leçon d’amour une fois épelée,
Ainsi que des oiseaux qui prennent leur volée,
Les amans vont au loin bâtir leur propre nid…

Ah ! quand luira l’aurore où je vivrai ces choses,
Où celui que j’attends, — délicieux affront, —
Viendra faire tomber le voile de mon front
Et me couronnera de myrtes et de roses !


LE RETOUR DU PASTEUR

Des lueurs du couchant la demeure se dore.
Assise sur le seuil, ma quenouille à la main,
Je songe que l’époux s’en vient par le chemin
Au rythme de son pas sonore.

C’est ainsi chaque soir. Las d’avoir tout le jour
Mené ses lents troupeaux paître sur la colline,
Il rentre à l’heure émue où le soleil s’incline,
Où la brise parle d’amour.

Je le vois descendant la route qui poudroie ;
Il arrive, soufflant dans sa flûte en roseau,
Il groupe ses brebis, flatte le noir museau
De son chien qui bondit de joie ;

Puis, vers moi s’avançant avec des yeux très doux,
Il prend mes frêles doigts parmi ses doigts robustes,
Et l’un vers l’autre, alors, se penchent nos deux bustes,
Et le Dieu d’amour vit en nous…

— Ce matin, j’ai cherché le miel de nos abeilles,
J’ai mis fraîchir du lait à l’ombre, au bord du puits,
Des branches d’un figuier j’ai détaché les fruits,
J’ai cueilli le raisin des treilles ;