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III

L’originalité de cette critique ne s’est pas manifestée et imposée du premier coup, — les générations spontanées ne sont pas dans la nature ; — mais au contraire, elle s’est peu à peu et progressivement dégagée. Elle n’apparaît pas très clairement encore dans le volume d’» études littéraires et dramatiques » sur les Grands maîtres du XVIIe siècle, qui parut deux ans après la thèse de doctorat. Le livre est sans doute intéressant, personnel et vivant ; mais c’est encore un livre de début, et un ouvrage un peu scolaire. Assurément nous avons été rendus, par ce qu’il a écrit depuis, un peu sévères pour M. Faguet : mais, à côté d’un excellent et très suggestif Fénelon, nous sommes tentés aujourd’hui de trouver que son Bossuet est un peu rapide, et son Pascal un peu maigre. Le livre a été remanié depuis lors, et augmenté de deux remarquables études sur Descartes et sur Malebranche ; je ne sais si les autres études n’eussent pas gagné à être entièrement récrites par un maître en pleine possession désormais de sa méthode et de son talent.

L’année suivante, paraissait le volume intitulé Dix-neuvième siècle : Études littéraires. Cette fois, l’auteur commençait à prendre date et rang dans tous les publics. Le livre eut du succès, un succès très justifié par son mérite et qui n’a fait que s’affermir[1]. Scherer, dans le Temps, Ferdinand Brunetière ici même, lui consacraient d’importans et élogieux articles. De fait, il contenait sur Victor Hugo, sur Lamartine, sur Vigny, sur Chateaubriand, quelques études de tout premier ordre, et dont l’une au moins, — sur Chateaubriand, — comme travail d’ensemble, n’a, je crois, pas encore été dépassée. Cette fois, il n’y avait pas à s’y méprendre : un vrai critique nous était né.

Et quatre ans plus tard, dans les premiers mois de 1890, paraissait ce Dix-huitième siècle, qui reste une date dans l’histoire de la pensée contemporaine, et qui devait soulever tant de protestations et de clameurs. Pour bien comprendre la signification et la portée d’un événement littéraire, qu’on faillit transformer en un événement politique, il faut se reporter à l’époque,

  1. L’ouvrage est aujourd’hui parvenu à la 34e édition.