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inoffensif, et quasi scolaire, et qui s’intitulait tout simplement et modestement : Dix-huitième siècle, Études littéraires. Il était comme une réponse un peu tardive, mais brillante et péremptoire, au mot célèbre de Michelet : « Le grand siècle, — je parle du XVIIIe. » — « Le xviiie siècle littéraire, — y lisait-on dès la Préface, le XVIIIe littéraire, qui s’est trouvé si à l’aise dans les grands sujets et les a traités si légèrement, n’a été ni chrétien, ni français… Ses philosophes sont intéressans et décevans, de peu de largeur, de peu d’haleine, de peu de course, et surtout de peu d’essor. Deux siècles passés, ils ne compteront plus pour rien, je crois, dans l’histoire de la philosophie… Le XVIIIe siècle, au regard de la postérité, s’obscurcira donc, s’offusquera, et semblera peu à peu s’amincir entre les deux grands siècles dont il est précédé et suivi. « Et dans une savante, spirituelle et mordante étude, Voltaire, analysé, résumé, discuté, pénétré de part en part, était défini, d’un mot perçant qui devait faire fortune, « un chaos d’idées claires. » Ce fut un beau tapage, et une admirable levée de boucliers. Tous les tenans de l’esprit du XVIIIe siècle, tous les porte-parole de la libre pensée officielle, tous ceux qui, n’ayant rien oublié, ni rien appris, venaient de prononcer l’auathème contre les Origines de la France contemporaine, tous, petits ou grands, élevèrent des protestations indignées : qu’un critique, et qui pis est, qu’un universitaire se permît de contredire les jugemens consacrés, de porter sur les idoles du jour une main sacrilège, et d’avoir, aux dépens mêmes du patriarche de Ferney, infiniment d’esprit, et de bon sens, et de ferme raison, c’était plus qu’on n’en pouvait souffrir. On essaya même, si nous avons bonne mémoire, de faire appel au bras séculier. Vains efforts ! Le livre circulait parmi les «étudians de lettres, » s’imposait, de haute lutte, à la critique, au grand public, à l’Université elle-même. L’auteur, professeur de son métier, était peu après appelé à la Sorbonne. Chacun comptait désormais avec M. Émile Faguet.

Il avait quarante-trois ans, étant né en 1847, et il n’était point, tant s’en faut, un inconnu pour ceux qui lisent, ayant déjà une vingtaine d’années d’ « écriture » derrière lui. Ses premiers articles sont datés de 1869, et ce sont des articles politiques : M. Faguet soutenait alors, dans le Courrier de la Vienne, la candidature de Thiers contre la candidature gouvernementale. Un peu plus tard, en 1873, on le retrouve, sous le pseudonyme de