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filiations et des influences, en un mot, c’est l’art des idées générales en littérature, et « l’esprit des lois » littéraires. Il affecte de n’y pas croire, et, comme presque toujours, le scepticisme n’est sans doute ici que l’aveu un peu impertinent d’une impuissance. — Laborieux, du reste, assez méthodique, consciencieux, en poussant la conscience jusqu’à être peu bienveillant, il a pu rendre et il a rendu des services appréciables aux étudians en littérature, qui étaient le public qu’il a toujours visé. Sans abandonner la critique, qu’il est à croire qu’il aimera toujours, il s’est un peu tourné depuis quelques années du côté des études sociologiques, où c’est à d’autres qu’à nous qu’il appartient d’apprécier ses efforts… »


Cette page sur M. Faguet est de M. Faguet lui-même. S’étant chargé, il y a quelques années, dans une grande Histoire de la littérature française, de dresser pour ainsi dire l’inventaire de la critique contemporaine, il n’a pas eu la fausse modestie de passer son œuvre sous silence, ni la modestie, plus fausse peut-être encore, de céder la plume à un bienveillant confrère. Et bravement, honnêtement, sans précautions oratoires, ni mines effarouchées, il s’est représenté et jugé lui-même tel qu’il se voyait, et tel aussi qu’on le voyait généralement : cela rapidement, discrètement, sans trop se déprécier ni surtout se surfaire, avec une objectivité entière, avec une simplicité aimable, une bonhomie souriante qui sont du meilleur effet, et du plus salutaire exemple.

J’aime, je l’avoue, cette robuste et saine franchise : je crois y voir le signe d’une disposition permanente d’esprit, et même un trait de caractère. Et notez que le portrait, pour rapide et brusqué qu’il soit, n’en est pas moins, au total, ressemblant et lidèle. Il n’est pas flatté, certes, et, pour être pleinement équitable, il devrait l’être davantage. Mais, à tout prendre, les lignes, les indications essentielles y sont. Il n’y a qu’à les compléter, à les nuancer et à les suivre. Si l’on y parvenait, on aurait sans doute réussi à fixer l’une des physionomies les plus curieuses, les plus riches et les plus vivantes d’aujourd’hui.


I

Ceux qui avaient vingt ans vers 1890 se rappellent encore le bruit que lit à son apparition un petit volume d’aspect fort