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-venir par des accords prévoyans l’explosion de conflits tels que ceux qui se sont produits naguère, à Missoum-Missoum par exemple, sur la frontière du Congo et du Cameroun. Et l’on ne peut que louer les gouvernemens de s’être récemment préoccupés d’y pourvoir en étudiant entre leurs nationaux les modalités d’une entente qui ôterait aux conflits anciens la possibilité même de se renouveler. S’agit-il d’échanges commerciaux ? Des négociations douanières, menées dans un esprit de libéralisme clairvoyant, ouvriraient, à coup sûr, des débouchés utiles à l’industrie des deux pays, et ces négociations seraient d’autant plus susceptibles de réussir que d’imprudentes exagérations ne viendraient pas greffer sur elles des combinaisons financières, de la nature de celles dont on a parlé quelquefois et dont le fruit immédiat, souhaité par certains hommes d’affaires, ne saurait faire oublier les conséquences politiques[1]. Enfin, dans l’ordre intellectuel, il n’y a que profit à multiplier les contacts entre les Allemands et nous. Il est plus nécessaire encore pour les peuples de se connaître, quand l’histoire les a séparés au lieu de les rapprocher. Nous ne sommes point de ceux qui pensent que la guerre est le plus grand des maux. Il est des guerres honorables et glorieuses. Et si jamais Allemands et Français devaient s’affronter pour une noble cause ou pour un intérêt vital, le sacrifice virilement accepté vaudrait mieux que l’abdication paresseuse. Mais le conflit déchaîné par l’ignorance, l’équivoque ou le malentendu, la défiance provoquée par le préjugé, l’hostilité née de l’incompréhension sont des fléaux criminels. L’Allemagne et la France, à se mieux pénétrer, apprendront à s’estimer plus et à se plus respecter.

Ce programme est modeste peut-être, aux yeux surtout de ceux qui rêvent d’un baiser Lamourette universel : sa modestie même fait à nos yeux son mérite. Albert Sorel disait qu’en poli-

  1. Les combinaisons dont il est ici question, admission à la cote de la rente allemande ou de certaines valeurs industrielles, n’ont d’ailleurs jamais fait l’objet de négociations entre les deux gouvernemens, ni avant ni depuis l’arrangement du 9 février 1909. D’autre part, au point de vue douanier, la seule amélioration qu’on puisse concevoir serait la superposition à l’article 11 du traité de Francfort d’une convention à court terme analogue à celles que la France a conclues avec la Suisse, la Russie, l’Italie. Cette convention pourrait avoir pour premier objet de réglementer les pratiques douanières, d’éviter surtout l’arbitraire qui résulte de « spécialisations » excessives. On pourrait ultérieurement étudier la possibilité d’obtenir du protectionnisme des deux pays certaines concessions de tarif sur les articles notamment dont la production est de part et d’autre complémentaire.