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tort ou à raison, leur force militaire et celle de la Russie a diminué dans la dernière crise la valeur de leur intervention ; et elles doivent, comme la Russie elle-même, placer dans le développement solidaire de leur puissance effective le but de leur politique. Au surplus, entre les deux groupemens, Triple-Alliance et Triple-Entente, les relations semblent plus normales que par le passé. Elles sont meilleures, notamment, entre la France et l’Allemagne, entre la Russie et l’Allemagne, entre l’Italie et la Russie, entre la France et l’Autriche, voire entre l’Angleterre et l’Allemagne. Il y a progrès dans l’adaptation des contraires, dans l’assouplissement des cadres, dans la stabilité de l’équilibre apparent.

Peut-on et doit-on souhaiter plus, parler comme on le fait avec plus d’insistance que de précision, d’un « rapprochement » franco-allemand ? A une telle question, la plus grave qui se puisse poser à notre conscience de Français, il convient de répondre par l’exacte appréciation de ce que l’on peut et de ce que l’on veut. Ce que l’on peut est limité par les nécessités extérieures, ce que l’on veut par le souci de la dignité nationale. Or, le « rapprochement, » dans la forme imprécise où on le prêche, est le plus hasardeux des programmes ; car rien n’est plus propre que les excès de zèle à provoquer d’irréparables reculs. Si l’on entend par rapprochement une alliance franco-allemande, ayant pour base un traité qui serait une confirmation du traité de Francfort, pour conséquence une solidarité politique, des échanges de sympathies, des visites de chefs d’État, il faut le dire : mais personne ne le dit. Personne ne le dit, parce que les moins clairvoyans conçoivent ce que de tels engagemens et de telles manifestations auraient de pénible pour la piété des souvenirs. Personne ne le dit, parce que nul n’ose calculer le contre-coup de ce renversement des alliances sur la paix de la France et de l’Europe ; parce que tout le monde prévoit l’alarme qu’il jetterait en Angleterre et en Russie, le discrédit qui en résulterait pour une diplomatie capable de passer, en si peu d’années, d’une extrême à l’autre. Personne ne le dit enfin, parce que, si la France trouve la sécurité dans l’équilibre des forces, elle ferait un marché de dupe en achetant cette sécurité d’une adhésion superflue à sa diminution passée, et en se donnant un allié qui, pour elle, risquerait d’être un maître.

Cette hypothèse écartée. — que jamais d’ailleurs les person-