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L’occasion est bonne pour faire voter la loi de préservation que le gouvernement a déposée, et qui, même amendée et amoindrie par la commission des douanes, vaut encore mieux que rien. Ce serait faiblesse et imprévoyance de la laisser tomber dans les oubliettes parlementaires, dès que le danger immédiat, sera passé, car il faut songer au lendemain. Veut-on échapper à de nouvelles grèves ? Le meilleur moyen pour cela est de prendre, dès maintenant, des précautions contre elles : il ne suffit pas de les avoir indiquées.


Les agitations de ces derniers mois ont eu des contre-coups intéressans, sinon sur la composition des partis eux-mêmes, au moins sur celle des groupes qui ont assumé la responsabilité de les diriger. La discorde est au camp d’Agramant. A la Confédération générale du Travail, au Comité exécutif du parti radical et radical socialiste, on se dispute, on se divise, on démissionne. Ce sont là les manifestations d’une crise.

La Confédération générale du Travail, ou C. C. T., faisait incontestablement plus d’effet quand on la voyait de plus loin, ou lorsqu’elle s’enveloppait de nuages à la manière d’un nouveau Conseil des Dix. Aujourd’hui, beaucoup de ses mystères sont percés à jour, et on commence à se familiariser avec des noms qui étonnaient davantage lorsqu’on les entendait prononcer pour la première fois. On retrouve dans ce milieu spécial toutes les faiblesses inhérentes à l’humanité. Les hommes, surtout assemblés, sont partout les mêmes : les mêmes passions les entraînent, les mêmes jalousies les brouillent, les mêmes haines les divisent. A la Confédération générale du Travail, les questions de personnes ne tiennent pas moins de place qu’ailleurs. Il y a quelques mois, M. Griffuelhes, secrétaire général, a du se démettre de ses fonctions, et il a été remplacé par M. Niel : mais ni lui, ni ses amis, n’ont pardonné à ce dernier d’avoir pris une place qu’ils regardaient comme leur appartenant, et, dès le premier jour, l’infortuné M. Niel a été en butte à une conspiration envieuse et hargneuse qui ne lui a pas laissé un moment de répit : il en a beaucoup souffert, comme il l’a avoué plus tard dans sa lettre de démission. Bien entendu, les dissentimens entre eux prenaient les noms respectables d’opinions différentes. Les uns, avec M. Griffuelhes, étaient des révolutionnaires purs ; les autres, avec M. Niel, étaient des révolutionnaires mitigés. Ils voulaient tous la révolution, mais par des moyens différens. M. Niel condamnait la grève à la veille du jour où elle devait se produire, dans un discours prophétique dont les révolutionnaires lui