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qu’après la publication complète de l’œuvre de Haydn : mais un excellent catalogue chronologique de toutes les symphonies, répété par M. Mandyczewski au début de chacun des volumes, suffit à éclairer pour nous, dès maintenant, les lignes principales de ce qu’on pourrait appeler la « courbe » suivie par le génie du maître pendant un demi-siècle, tout au moins dans le vaste et glorieux domaine de la symphonie. En comparant aux œuvres déjà recueillies dans les trois volumes parus les partitions des symphonies ultérieures, — quelques-unes publiées dans d’autres recueils, et presque toutes conservées, en copies manuscrites, à la Bibliothèque du Conservatoire, — nous voyons se dérouler devant nous l’existence entière de l’auteur, son existence d’artiste uniquement occupé des progrès de son œuvre. Nous assistons, tour à tour, aux effets exercés sur lui par l’âge, et par les changemens du goût de son temps, et par l’exemple d’autres musiciens, et par sa raison aussi bien que par son cœur, voire par les circonstances de sa vie privée. Il y a là un spectacle d’une évidence et d’un attrait incomparables. De proche en proche, une âme parfaitement enfantine, — bien plus enfantine, au total, que celle de Mozart, — se montre à nous, directement reflétée dans une production à peu près incessante : une âme pénétrée de l’ancienne tradition qui prête à la musique le devoir et le droit de traduire jusqu’aux nuances les plus fugitives des sentimens intimes, et, avec cela, n’ayant à nous traduire que les sentimens toujours les plus simples et les plus sincères, les plus faciles à exprimer pour un musicien. Aucun roman psychologique ni aucune « confession » ne nous laisse pénétrer plus à découvert dans la familiarité d’une nature d’artiste que cette belle série des 104 symphonies de Joseph Haydn, quand nous les suivons dans leur ordre historique. Et comme le petit nombre de livres et articles nés à l’occasion du centenaire de 1909 ne nous apporte rien qui vaille d’être signalé[1], et comme je ne puis résister cependant au désir de prendre mon humble part, moi aussi, de la commémoration d’un maître qui m’a bien souvent procuré, depuis l’enfance, d’inoubliables « instans de repos et de réconfort, » c’est à ce catalogue des symphonies de Haydn que je vais demander de nous raconter, à sa façon, deux épisodes encore inédits de la carrière artistique qui s’est doucement terminée dans une petite maison d’un faubourg de Vienne, durant la nuit du 30 au 31 mai d’il y a cent ans.

  1. A moins que l’on ne veuille rattacher à ce centenaire la publication d’une excellente petite biographie française de Joseph Haydn par Mlle {{[[Modèle:{{{1}}}|{{{1}}}]]}}. Alcan, 1908.