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21 mars, la résistance du présidial de Riom fut brisée, aussitôt que formée, et, le 25, Montyon reçut au lit, « dans un redoublement de fièvre durant lequel on parlait de l’administrer[1], » cette missive de Terray :

« Les circonstances actuelles ayant exigé que M. de Chazerat fût intendant d’Auvergne, en même temps qu’il est premier président du Conseil supérieur, le Roy a pensé qu’en le nommant à cette intendance et en vous réservant votre remplacement, vous voudrez bien vous prêter à un arrangement qui devient nécessaire pour le bien de son service. J’aurai l’honneur de vous en dire davantage, lorsque j’aurai celui de vous voir[2]. »

Ce fut tout : inaugurée dans la joie que procure le zèle naissant, continuée parfois au milieu des acclamations et des bénédictions populaires, la première intendance de Montyon se termina au fond d’une chambre de malade, près d’une lettre de disgrâce, écrite par un ministre sans foi. Le même jour, et comme si rien n’eût dû manquer à l’ironie d’un pareil dénoûment, la presse était grande à Clermont dans l’hôtel de Chazerat, devenu celui de l’Intendance : le nouveau maître de l’Auvergne donnait une fête ; et sans doute, aux hommes qui le flagornaient, aux femmes qui lui souriaient, M. de Chazerat voulut bien lire les pompeuses adresses qu’il venait de recevoir des habitans de la province. L’une d’elles commençait ainsi : « Nos vœux sont enfin comblés ! il y a longtemps que nous désirions un homme dans la place à laquelle vous venez d’être nommé[3]. »


LOUIS GUIMBAUD.

  1. Montyon, Lettre au roi Louis XVI.
  2. Archives de l’Assistance publique.
  3. Il est vrai d’ajouter que tout cela n’empêcha pas M. de Chazerat de finir assez ridiculement. On lit, en effet dans la Correspondance secrète, le 20 novembre 1789 : « Tous les intendans de province sont dans l’inaction. Ils attendent leur sort. Si on se loue de la prudence de leur conduite publique, quelques particuliers sont en droit de se plaindre de leur galanterie. M. de Chazerat, intendant de Clermont, jeune homme de soixante-sept ans, a disparu au moment qu’on s’y attendait le moins, avec une dame d’Alagnac et, dit-on, un million en or, laissant sa femme peut-être un peu moins affligée qu’étonnée de cette aventure. »