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les ouvriers et les artisans se voyaient obligés de suspendre leur travail, pendant cinq mois, faute d’être calfeutrés : à Pontgibaud, perdus dans une sorte de torpeur hivernale, les paysans passaient la moitié de l’année, entre l’âne et le bœuf, au fond de l’étable. — Par une intuition singulièrement heureuse, Montyon connut que seul le travail en commun réchaufferait ces bonnes volontés engourdies ; il fit donc lire au prône de presque toutes les paroisses et placarder, dans toutes les élections, des affiches dont voici le texte :

« On est averti que dans la ville de… des travaux sont ouverts où les personnes de tout âge et de tout sexe sont admises. Les hommes sont payés à raison de 12 sols, les femmes à raison de 10 sols, les enfans à raison de 8 ou de 6 sols. »

Les travaux devaient comporter le percement et le terrassement déroutes nouvelles ; on promettait de payer les ouvriers au moyen d’allocations ministérielles ; quant aux piqueurs et ingénieurs, les corps de ville s’étaient engagés à en découvrir de bénévoles ou bien à les appointer.

Dans la plupart des chantiers, l’affluence devint vite si considérable que les crédits furent dépassés. Quant aux travaux eux-mêmes, ce qu’ils perdirent parfois en rapidité et, sans doute aussi, en fini et en élégance, ils le gagnèrent en pittoresque ; jamais peut-être, depuis le temps des cathédrales, auxquelles chaque fidèle apportait sa pierre, on n’avait vu pareil empressement de fainéans et de vagabonds, autour d’une œuvre laborieuse. Jamais, par suite, aucun chantier public n’avait inspiré à la fois, tant d’inquiétude et tant de curiosité. A Aurillac, sitôt que le travail a cessé, c’est-à-dire à l’heure du dîner et à la fin de la journée, les ouvriers se répandent dans la ville pour mendier. A Saint-Flour, il se présente beaucoup de monde pour « les travaux de la côte, » mais les ouvriers ne font pas un travail proportionné à leur nombre, car la plupart ont de la peine à se traîner jusqu’aux chemins ; il faut « les veiller, les caresser, les piquer d’amour-propre pour que le chemin s’élargisse. » Au Mont d’Or, il n’était pas inutile de protéger l’œuvre accomplie contre les dévastations de ses auteurs eux-mêmes, et voici quel tableau original le vicomte de Mirabeau traçait à ce sujet, dans une lettre à l’intendant : « Vous apprendrez bientôt, monsieur, par les cent bouches de la Renommée, les vastes travaux que votre munificence a opérés au Mont d’Or et leurs effets,