Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 51.djvu/914

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et de nomades, de valides et d’impotens ; il y en avait d’industrieux, « dont le métier était de faire des pèlerinages pour les uns et les autres[1], » il y en avait de fantaisistes, « venus en Auvergne pour prendre les bains du Mont d’Or[2] ; » il y en avait d’humeur folle chez lesquels on pouvait « regarder la mendicité comme une passion difficile à corriger[3] ; » il y en avait même de pauvres… Mais la plupart semblaient des professionnels invétérés, tel, par exemple, ce Pierre Goualle, du lieu de Goualle, paroisse de Trézioux, qui a femme et quatre enfans, dont le plus âgé n’a que sept ans, et qui « possède de son chef vingt quartonnées de terre, deux œuvres de vigne, six coupées de chenevière, une petite maison et un jardin[4], » — ou tel encore cet « autre que l’on trouve nanti de 260 livres[5]. » « Pour peu que cela continue, écrit à l’intendant M. Mignot, subdélégué de Thiers, la paroisse de Domaise et quelques autres fourniront une pépinière de mendians à inonder le royaume : à peine y sont-ils sortis de la coquille, que les enfans y reçoivent des leçons, pour n’être pas à charge à leurs familles[6]. »

Du coup Montyon connut qu’il lui fallait agir et faire donner la maréchaussée ; mais il y mit tant de précaution, tant de scrupule, tant d’humanité, qu’à chaque instant nous allons le trouver préoccupé de ruiner son propre ouvrage, de réparer les cruautés dont il sera l’involontaire auteur, et d’entr’ouvrir les portes qu’il aura fermées. À Riom, 74 mendians sont amenés par les gens d’armes ; 39 seulement sont retenus et renfermés ; bientôt, au fond de leur commune geôle, « une femme paraît avoir le principe du scorbut, » cependant qu’une maladie « que l’on caractérise du nom’ de peste » se manifeste parmi les autres. Montyon dépêche aussitôt un médecin, envoie des remèdes, et déplore l’impossibilité où il se trouve de visiter lui-même les malades prisonniers. À Saint-Flour, M. Chirol, procureur du Roi et lieutenant de la maréchaussée, manifeste un zèle quelque peu excessif et veut condamner aux galères « tous les mendians robustes ou capables de travailler[7]. » Montyon l’arrête

  1. Archives du Puy-de-Dôme, C. 1116.
  2. Ibid., C. 1116.
  3. Ibid., C. 1118.
  4. Ibid., C. 1116.
  5. Ibid., C. 1116.
  6. Ibid., C. 1099.
  7. Ibid., C. 1098.