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AU BAS D’UN PORTRAIT DE MOLIÈRE


Le valet qui friponne et le tuteur qui peste,
Le pédant, le marquis, le sot et le barbon,
L’apothicaire, le fâcheux, tout lui fut bon,
De l’esclave rustique au Jupiter céleste ;

L’intrigue et l’imbroglio, la gambade et le geste,
La mascarade, la seringue et le bâton,
Et jusqu’au Turc obèse à turban de coton,
Et le sac de Scapin et les rubans d’Alceste.

Mais, farce à la chandelle ou haute comédie,
De tout ce qu’inventa sa verve, son génie
En a fait de la vie et de la vérité ;

Et c’est pourquoi ces yeux, ce front et cette bouche
Reçurent le baiser de l’Immortalité,
Qui, d’abord, avaient pris leçon de Scaramouche !


LA JOURNÉE DE RACINE


Le poète Racine a fini sa journée :
Le coude sur la table, il songe. Est-il content ?
Et le bec de la plume au bruit intermittent
Ne mord plus sous sa main la page égratignée.

A-t-il d’une épigramme élégamment tournée
Trouvé la pointe acerbe et le trait irritant ?
Non, un plus noble soin l’a tenu haletant,
Et voici qu’il relit la scène terminée.

Son regard, dont parfois l’expression trop fine
A fait dire de lui : le perfide Racine,
Est très tendre, très fier, très pensif et très doux,

Car il fut, tout le jour, ô douleur, ô délice !
Témoin des beaux adieux qu’adresse sans courroux,
A Titus qui la fuit, la reine Bérénice.