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Et, sans que rien de plus occupât ma pensée,
Tout le jour, jusqu’au soir,
J’ai regardé mourir cette rose enlacée
À ce beau cyprès noir.


LA MOURADIÈ


Le vieil Imân à turban vert, maigre et courbé,
Egrène un chapelet qui glisse sous son pouce
Et, devant nous, d’un geste très pieux, il pousse
Silencieusement, la porte du Turbé.

Les quatre murs sont blancs sous le dôme bombé,
D’où, par un trou rond, coule une lumière douce,
Et, dans le sarcophage empli de terre, pousse
Un peu d’herbe à l’endroit où la pluie a tombé.

C’est ainsi que voulut dormir son dernier somme
Mourad, sultan de Brousse, aux yeux d’Allah, pauvre homme,
Sous la coupole ouverte aux orages du ciel,

Lui qui se fit tailler, humble en sa gloire altière,
Afin d’être mieux prêt à l’ordre d’Azraël,
Un carré de cuir brut pour tapis de prière !


LE TURBÉ VERT


C’est un vainqueur qui dort sous la pompe persane
De ces riches carreaux dont l’enduit transparent,
En sa couleur changeante et son reflet errant,
Montre des fleurs d’émail que nul hiver ne fane.

Mais à quoi bon avoir, pour la foi musulmane,
Par le sabre imposé la règle du Coran,
Et que t’aura servi ce tombeau, Conquérant,
Puisque le vil talon du giaour le profane ?

Malgré ta gloire, ô Mohammed, tu n’es plus rien !
Ton nom fait-il songer à son éclat ancien
Cette fillette assise à l’ombre d’un platane,