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Voici le canal et la porte,
Et ces façades de palais
Dont le marbre irise l’eau morte
Des fantômes de leurs reflets…

Et ce balcon où l’on s’étonne
De ne plus voir, sur le rideau,
Se pâmer encor Desdémone
Dans les sombres bras d’Othello !


LE REFUGE


Je ne veux rien de vous, ce soir, en ma pensée,
O mon pays lointain,
Ni rien de vous non plus, ma jeunesse passée,
Dont le feu s’est éteint !

Que votre souvenir impatient renonce
A me parler tout bas,
Laissez l’écho dormir où se perd et s’enfonce
La rumeur de vos pas !

Je suis venu chercher sur ce brûlant rivage,
Que bat un flot plus clair,
Pour un autre moi-même, un autre paysage,
Et j’ai passé la mer.

Je n’écoute plus rien des voix que mon oreille
Écouta trop longtemps
Et que me murmurait la parole vermeille
De ta bouche, Printemps !

Mes yeux ne veulent plus suivre dans les allées
De ton jardin moussu,
Automne, les espoirs et les ombres voilées
Qui m’ont longtemps déçu !…

C’est pourquoi, sous ce ciel torride et monotone,
D’azur pacifiant,
Je suis venu chercher le lourd repos que donne
La terre d’Orient ;