Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 51.djvu/873

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

but, en créant une flotte puissante, est moins de faire dans la Méditerranée la politique de l’Allemagne que d’y affirmer sa propre personnalité. La grande puissance danubienne entend devenir un rempart aussi bien contre le pangermanisme prussien que contre le panslavisme russe. Vienne, à mi-chemin du monde oriental et du monde occidental, point de rencontre et de fusion des races germanique, slave et hongroise, est admirablement placée pour devenir un centre de rayonnement civilisateur.

Le roi d’Italie a répondu par un télégramme chaleureux aux dépêches de ses deux alliés. Mais la politique de l’Italie est aujourd’hui ce qu’elle était hier. Les mêmes nécessités y déterminent les mêmes tendances. En adhérant à l’alliance austro-allemande pour en faire la Triplice, l’Italie a eu surtout en vue de neutraliser, en y entrant, les dangers qui pouvaient résulter pour elle d’une si puissante combinaison établie sur sa tête, au-delà de ces Alpes d’où les tedeschi ont toujours regardé avec convoitise les grasses plaines du Pô et de l’Adige. Si l’Autriche et l’Allemagne font, dans les Balkans, une politique d’expansion et d’influence, l’Italie a besoin d’être avec elles pour que cette politique ne se fasse pas contre elle. C’est en considération de l’Italie et de ses souverains que, dans la dernière crise, le Monténégro a obtenu quelques satisfactions ; elles avaient été promises, à Salzbourg et à Desio, à M. Tittoni par MM. d’Æhrenthal et Isvolski. On a pu croire, au début des affaires bosniaques, que l’Italie associerait sa politique à celle de la Russie, et l’on a parlé, à ce moment, dans quelques journaux, d’une quadruple entente. Et, de fait, l’Italie a de bons rapports avec les puissances de la Triple Entente ; elle ne peut pas séparer sa politique descelle de l’Angleterre, et il est certain que le succès de l’Autriche, suivi de la création d’une forte escadre dans l’Adriatique, ne sont pas vus dans la péninsule sans un vif dépit et sans de naturelles appréhensions. Mais la situation géographique, économique et militaire de l’Italie l’oblige à des ménagemens envers tous ses voisins ; sa politique est écartelée entre des nécessités contradictoires également urgentes. Le roi Victor-Emmanuel a envoyé une dépêche affirmant sa fidélité à la Triple Alliance ; mais l’anniversaire de Solférino a donné lieu à des manifestations francophiles ; dans son discours, M. Marcora, président de la Chambre, a insisté sur la nécessité, pour les Italiens, d’être bien armés « afin que In patrie ne subisse plus jamais le joug de