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IV

L’Allemagne et l’Autriche-Hongrie ont trouvé, dans la crise de Bosnie, l’occasion d’un succès diplomatique : la cohésion de la Triple Alliance a été resserrée. Il était à prévoir qu’il en serait ainsi : Andrassy a conclu une alliance avec l’Allemagne pour assurer à l’Autriche-Hongrie la paisible jouissance des avantages obtenus, sans coup férir, à l’occasion de la guerre de 1877 ; un différend grave qui mettait aux prises l’Autriche et la Russie devait naturellement faire jouer une alliance conclue précisément dans cette prévision. La Triple Alliance se retrempait ainsi dans ses origines, il était naturel qu’elle y puisât une vigueur nouvelle. La visite de l’empereur Guillaume II à Vienne, le 14 mai, a été la constatation de ce résultat. Les deux empereurs se sont félicités des heureux effets de leur bonne harmonie pour la prospérité de leurs Etats et la paix de l’Europe. François-Joseph a exprimé, en termes particulièrement cordiaux, « sa reconnaissance profonde et sincère pour l’attitude amicale de l’Empire allemand envers son allié » et pour l’intervention pacificatrice de l’Empereur. Vienne fut en fête, mais l’enthousiasme populaire fut surtout grand dans les récits des journaux officieux. Les deux empereurs n’oublièrent pas l’allié absent, le roi Victor-Emmanuel qui, quelques jours plus tôt (3 mai), avait eu à Baies une entrevue avec Edouard VII : ils l’associèrent, par un très cordial télégramme, à une joie que, peut-être, il ne partageait qu’à demi, et lui envoyèrent « l’expression chaleureuse de leur inaltérable amitié. » Le Roi répondit à ses alliés et amis en les assurant que leur amitié lui était bien chère, et qu’elle trouvait dans ses sentimens « une sincère et pleine réciprocité. »

Plus significative que le lyrisme de ce renouveau d’amitiés augustes et, pour l’avenir, plus importante a été la décision du gouvernement austro-hongrois de commander sept grands cuirassés du type Dreadnought. En 1913, cette puissante escadre, capable de se mesurer avec la flotte anglaise de Malte, notre escadre de Toulon ou la marine italienne, fera son apparition dans la Méditerranée : elle y modifiera l’équilibre des forces. Cette résolution, qui engage une si grosse dépense, prise quelques jours après la fin de la récente crise, en précise le sens et en