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Serbie, se croyant soutenue par une ou plusieurs puissances ou peut-être dans l’espérance de les amener à la soutenir, s’avance, parle haut, arme ; puis, mise au pied du mur, elle se dérobe derrière l’Europe. L’Autriche, à plusieurs reprises, lui signifie qu’elle veut bien négocier avec elle, mais avec elle seule, sans intermédiaire ; elle la traque sans merci jusqu’à ce qu’elle l’ait isolée : la crise est finie lorsqu’elle croit avoir obtenu ce résultat.


II

Il parut, au premier moment, naturel aux hommes d’Etat européens que la crise ouverte par usurpation de l’Autriche-Hongrie et de la Bulgarie fût résolue par un congrès ou une conférence, afin que le traité de Berlin, délibéré par l’Europe assemblée, ne pût être modifié que par l’Europe assemblée. A Paris, à Londres, à Berlin, ce fut le sujet des entretiens de M. Isvolski avec ses collègues. Cette procédure eût été conforme au précédent fixé par le Protocole de Londres en 1871. Une conférence, convoquée à bref délai et qui se serait bornée, sans discuter le fait accompli, que personne ne songeait à remettre en question, à rechercher une rédaction nouvelle pour les articles du traité de Berlin modifiés par la double initiative autrichienne et bulgare, et à déterminer, d’un commun accord, les indemnités dues à la Turquie lésée, aurait eu les plus grandes chances d’aboutir. Mais il fallait, pour cela, se placer surtout au point de vue de la Turquie, et se cantonner dans le principe de l’intégrité de l’Empire ottoman. Au lieu de cela, que fit-on ? Dès les premiers jours, M. Milovanovitch introduisait la question serbe et prononçait, dans sa note aux grandes puissances, le mot dangereux de « compensations. » Le programme, préparé à Londres par M. Isvolski et sir Edouard Grey, était, même amendé par la prudence de M. Pichon, encore gros de dangers puisqu’il introduisait la question serbe et qu’il ne coupait pas court à l’idée des « compensations. » On apprenait que la Crète proclamait sa résolution d’être unie à la Grèce. M. Isvolski, partant pour Londres, annonçait que la Russie, en échange des avantages considérables obtenus par l’Autriche-Hongrie, demanderait la liberté des Détroits, et il ne cachait pas que M. d’Ælhrenthal n’y ferait pas d’objection. Il trouva sir Edouard Grey moins bien disposé sur ce chapitre ; le ministre