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Quand le soir hâtif emplira la chambre,
Nous regarderons ces fleurs de novembre
Ces fleurs de souci,
Ces fleurs sans espoir, comme des emblèmes.
Le jardin n’a plus que des chrysanthèmes ;
Et nos cœurs aussi.


Par la profondeur du sentiment ; par la grandeur triste des pensées ; par la découverte facile ou la rencontre heureuse des idées poétiques ; par la concordance de ses états d’âme avec les états de la nature ; par l’originalité, souvent, et la nouveauté de ses images ; quelquefois par l’invention heureuse des symboles, M. Angellier est un grand poète. — Il lui manque, non pas toujours, puisqu’il a écrit la pièce précédente et quelques autres du même mérite, mais quelquefois, l’instinct sûr ou le maniement facile du rythme. M. Legouis, qui me paraît avoir l’habitude de ne pas se tromper en français plus qu’en anglais, a très bien remarqué qu’il est plus poète que musicien. Les méchans signaleront qu’au point de vue rythmique, ses sonnets sont parfois défectueux, que cette règle y est parfois violée, ou plutôt cette nécessité musicale, qui veut qu’il y ait une idée par quatrain, et une idée au développement plus large dans le sixain final ; que, par exemple, si le second sonnet que j’ai cité est parfait à cet égard, dans le premier que j’ai cité, l’idée des troisième et quatrième vers déborde sur le second quatrain et n’est plus en équilibre avec l’idée symétrique, laquelle ne remplit que les deux derniers vers du second quatrain. Voyez :


Nos yeux seuls ont été les muets interprètes
Du sentiment caché qui naissait dans nos cœurs.
LES TIENS m’ont révélé les tristesses secrètes,
J’ai su tes longs combats en devinant leurs pleurs,

Et compris ta tendresse aux clartés inquiètes
Dont se troublaient parfois leurs rêveuses douceurs,
ET LES MIENS t’ont redit les incertaines fêtes
Dont mon âme était ivre en voyant les pâleurs.


Or cette faute rythmique se renouvelle trop souvent dans les sonnets de M. Angellier. — On peut trouver aussi que l’expression, encore qu’elle ne soit jamais impropre, est quelquefois faible, atone plutôt, et insuffisamment tendue, en prenant le mot dans un sens favorable, comme l’a fait une fois Mérimée. Rien n’est