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passé. Souvent, dans son logis de la rue Saint-Martin, elle recevait des Chouans que traquait la police, offrait intrépidement sa couche à quelque chevalier du Clair de Lune, procurait une « cache » à l’un des Rampe-à-terre de la brousse vendéenne. Quand George Cadoudal se risquait à Paris, le « Papa » se gîtait parfois chez la vaillante Hénot, car ce Papa n’aimait guère les bégueules. Pourtant, l’hospitalière personne accueillait volontiers beaucoup d’autres Français ; sa chambre n’était pas un sanctuaire exclusif, et Donnadieu, à l’insu de Julie, l’avait fréquentée. Bavard, inconsidéré, vaniteux, il avait au cours des rapides passades, confié d’intéressans secrets à cette maîtresse de rencontre. Or, un secret, fût-il politique, ne restait pas longtemps sur l’oreiller de la Nicolas ; il était vite transmis à Boisvallon, et l’ingénieux abbé absolvait la pécheresse en profitant de son péché.

Il put donc renseigner aisément l’envoyé de ses princes… Et soudain, Coin-Clément le Tondu emboursa de l’argent ; la caisse des compagnons était vide ; par miracle, des écus y tombèrent ; veules et découragés, les frères et amis recouvrèrent de l’audace : « l’Eveillé, le Bon Louis, Mademoiselle Pauline, » avait fourni l’argument péremptoire, — celui qui détruit les scrupules, met à néant les objections… « En tout complot se cache un payeur, » nous apprend un adage de police : ce payeur, croyons-nous, n’était pas difficile à trouver[1].

Ranimés dans leur foi, les chefs de la société secrète se décidèrent enfin à exécuter le tyran. Un troisième Brutus leur était nécessaire, Romain, cette fois, loyal et résolu ; Coin-Clément aussitôt chercha une âme antique : il ne fut pas long à se la procurer.


III. — ANTONIO PÉRETTI

Dans l’une des vieilles maisons, suintantes bâtisses qui étranglaient alors la rue du Four-Saint-Germain, au numéro 279, habitait un officier en réforme, le capitaine Giuseppe Belgrano, dit Belgran. Il était Piémontais, né près d’Azeglio, non loin

  1. Divers documens d’archives semblent bien établir que Fauche-Borel fut, par l’intermédiaire de l’abbé Boisvallon, mis en rapport avec les conspirateurs de la Patience.