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question Hohenzollern sur laquelle nous ne pouvions pas éluder la discussion. Elle saisit habilement ce qu’il y avait de critiquable dans la renonciation : les journaux anglais en constataient l’étrangeté ; elle était faite par le père pour le fils, et le Standard trouvait « ce procédé bizarre ; » le Times s’étonnait de ne voir paraître nulle part le nom du prince Léopold lui-même, « qui est cependant majeur, âgé de trente-cinq ans et qui a eu une part active dans toute l’affaire. — Reste à savoir, ajoutait-il, jusqu’à quel point le jeune prince se croira lié par le désistement de son père. » La Droite raillait plus encore cette renonciation. « Le père Antoine, disait-elle, se joue de nous autant que l’a fait le père Augustenbourg. » Le 30 novembre 1852, le chef de la famille des Augustenbourg, sur l’honneur et la foi de prince, avait renoncé pour lui et son fils, moyennant un million et demi de doubles rixdales, à tous ses droits dans les duchés ; son fils n’en réclama pas moins cette succession, tout en gardant la somme reçue ; quand on lui contesta la validité de ses droits, il répondit : « Comment ! ils ne valent rien ! mais je les ai déjà vendus et ils sont encore bons ! » Que n’eussent pas dit les membres de la Droite s’ils avaient su que le prince Antoine n’avait renoncé au nom de son fils que parce que le prince Léopold avait d’abord refusé de le faire ?

Ils invoquaient ensuite des considérations historiques très spécieuses ; ils rappelaient cette pensée si forte de La Bruyère : « Ne songer qu’au présent, source d’erreur en politique. » C’est pourquoi, concluaient-ils, les hommes d’Etat sérieux ne sauraient considérer comme terminée une affaire de nature à recommencer tant qu’à la solution présente on n’aurait pas ajouté des mesures préservatrices contre un recommencement futur. Ils nous accablaient d’exemples d’affaires dont les solutions ont été subordonnées à une garantie pour l’avenir. A la suite d’un soulèvement, les Autrichiens, appelés par le Pape, avaient occupé les Légations ; Casimir Perier envoie aussitôt des troupes à Aucune et le Pape se décide à reconnaître cette mainmise sur une ville de son territoire, à la condition qu’elle sera temporaire et que les Français se retireront d’Ancône en même temps que les Autrichiens de Bologne. Nonobstant, Thiers, ministre des Affaires étrangères, subordonne le départ de nos troupes à des garanties pour l’avenir en cas d’une nouvelle intervention autrichienne, motivée par de nouveaux soulèvemens. Son successeur, Molé, les