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postiers. Il en a révoqué environ six cents, et a déclaré que ces révocations étaient définitives. Nous souhaitons qu’elles le soient en effet. Il est temps de mettre fin à la comédie qui consiste à suspendre ou même à révoquer un jour tout un lot de grévistes, et à le réintégrer le lendemain. L’action gouvernementale s’affaiblit et se déconsidère à ce jeu. Enfin, tout porte à croire qu’une épuration aussi large l’ayant débarrassé des élémens dangereux qui l’agitaient, le personnel des postes se tiendra désormais plus tranquille.

Une attitude aussi nouvelle, aussi imprévue de la part du gouvernement, a prodigieusement surpris les postiers et leur a donné à réfléchir. Les meetings se sont multipliés, mais si tout le monde s’y rendait, les révoqués seuls y prenaient la parole pour encourager les autres à suivre leur noble exemple. Personne n’a cité la fable de La Fontaine où le rat qui a perdu sa queue à la bataille conseille aux autres de couper la leur ; personne n’a dit aux révoqués : « Tournez-vous, de grâce, et l’on vous répondra ; » beaucoup toutefois, d’une manière confuse et inconsciente peut-être, se sont inspirés de la morale de la fable et n’ont témoigné aucun goût à imiter ceux qui s’étaient irrémédiablement compromis. Les meneurs se sont tournés alors du côté de la Chambre des députés qui avait repris ses séances, et ils ont pu éprouver quelque satisfaction en constatant que la tenue de la Chambre était inférieure à celle de leurs meetings ; on a chanté l’Internationale sur les bancs de la Montagne, et le spectacle donné par l’assemblée a été des plus indécens ; mais cette satisfaction a été toute platonique pour les grévistes, et la discussion entre MM. Clemenceau et Barthou, d’une part, et M. Jaurès, de l’autre, a été toute à leur désavantage. La majorité du ministère a été énorme, comme elle devait l’être. On serait tenté de plaindre les infortunés postiers. Ils marchaient de déceptions en déceptions ! Aucune des promesses qu’on leur avait faites ne se réalisait ; ils se sentaient de plus en plus isolés et abandonnés ; leur nombre diminuait tous les jours ; ceux qui avaient eu la chance de ne pas attirer sur eux, par une manifestation trop forte, l’attention du gouvernement, reprenaient leur service en sourdine. Néanmoins, les fauteurs du mouvement publiaient tous les soirs des bulletins de victoire, où ils déclaraient que tout allait au mieux et que l’élan vers la grève était admirable. Mais il est difficile de faire longtemps abstraction de faits évidens. C’est alors qu’on a jugé à propos d’injecter à la grève défaillante un sérum particulièrement énergique, et que MM. Pataud et Guérard ont montré le respect qu’ils avaient pour la vérité. Ils ont promis effrontément aux postiers, l’un,