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n’est simplement qu’un tassement du sol, plus ou moins profond, plus ou moins étendu, suivant que l’état définitif touche de plus ou moins près à sa perfection, si tant est qu’elle doive jamais exister.

Beaucoup de villages sardes m’ont rappelé en les parcourant ceux de Kabylie. Même entassement de maisons accrochées les unes aux autres ; non seulement l’habitation isolée est chose inconnue dans l’île, mais il semble que le village n’est jamais assez resserré ; mêmes constructions de pierres brutes, jaunies ou brunies par le temps, mêmes entrées sombres et petites cours intérieures, mêmes ruelles étroites, tortueuses, escaladant les pentes. Il y a quelques années, les cheminées, la cheminée à la française suivant la locution du pays, étaient inconnues. Les habitans allumaient leur feu au milieu de la pièce, sur le sol de terre battue. Tout concourt en un mot jusqu’à l’odeur du bétail, mêlé à la fumée parfumée du genévrier, à donner l’illusion que l’on se trouve aux environs de Bougie ou de Djijelli.

Dans ces ruelles circulent des paysans et des paysannes en costumes aux couleurs vives. Ces costumes varient de village à village. Cependant, si nous choisissons la région de Nuoro, Fonni et d’Orgosolo, il est possible de les résumer ainsi : pour les hommes, long bonnet de laine noire ; un gilet de drap rouge, dont les manches sont crevées, s’ouvre arrondi par devant, laissant voir la chemise ; une veste brune, sans bras, se termine par des basques courtes, festonnées, rigides ; un ample pantalon de grosse toile blanche retombe sur des guêtres à sous-pied. Les femmes portent sur la tête un fichu noir, elles ont un corset rouge, brodé, très échancré, une petite veste de velours cramoisi, une robe de même étoffe, et par-dessus une jupe plus courte, de drap également rouge, ornée de larges rubans de soie bleue ou verte.

La généralité des hommes vivent peu aux villages. Ils parcourent sans cesse la campagne, surveillant leurs troupeaux composés de vaches, de brebis et de cochons. Certains propriétaires, les plus riches, possèdent 2 ou 3 000 brebis, d’autres en ont 100, 200, 500, dont le lait sert à la fabrication du fromage, la grande industrie du pays.

Pendant le printemps et l’été, une brebis donne un litre de