Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 51.djvu/600

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nombreux correspondans, et entre autres à Mme Cottu, pour leur demander de lui rendre ses lettres dont il croyait avec besoin. Mme Cottu, qui tenait à conserver les originaux, avait commencé pour lui un travail de copie ; mais M. Cottu intervint. Il se figura, à tort, que Lamennais se proposait de publier ces lettres et il interdit à Mme Cottu de continuer son travail, en l’autorisant à dire à Lamennais que le refus de communication venait de lui. Lamennais fut blessé et de l’intervention et du refus.


Je ne sais pas, écrivait-il à Mme Cottu, comment vous avez pu imaginer qu’il me fût entré dans l’esprit de mettre le public en tiers dans des entretiens d’une confidence si intime ni ce que M. Cottu pouvait avoir à peser et à décider au sujet de la communication que je vous demandais en vue d’un travail qui me préoccupe, quoique incertain. Du reste, ces lettres, je n’en veux plus. Vous me les confieriez maintenant, que je vous les renverrais sans les ouvrir.


Cependant, comme s’il craignait d’en rester sur cette phrase un peu dure, il ajoute :


Le temps me presse de son poids ; les ans m’emportent, mais quoi que vous en puissiez penser, rien n’emportera jamais les sentimens que vous m’avez connus pour vous et qui sont devenus mon âme même.


A partir de cette lettre, qui est du 3 novembre 1844, toute relation, au moins par correspondance, fut suspendue entre eux. Continuèrent-ils à se voir, je l’ignore, mais cela semble peu probable. Cependant cet attachement, qui avait tenu une si grande place dans sa vie, sommeillait dans le cœur de Mme Cottu plutôt qu’il n’était mort. Il se réveilla quand elle apprit à la fin de l’année 1853, sans doute par la rumeur publique, que la santé de Lamennais déclinait, M. Cottu était mort depuis quatre ans. Elle se trouvait donc libre de suivre les impulsions de son cœur. Elle prit les de vans et écrivit à Lamennais. A l’instant même où il reçut cette lettre dont on regrette de ne pas avoir le texte, Lamennais lui répondit :


Le silence n’est pas l’oubli ; mais, je vous l’avoue, je craignais le vôtre. Vous retrouver, retrouver votre cœur m’a fait plus de bien que je ne saurais vous l’exprimer… Oui, rapprochons-nous pour ne plus nous séparer qu’à l’heure où l’on ne se dit pas adieu, mais au revoir, et grâce à Dieu, c’est toujours bientôt. A vous, comme il y a trente-cinq ans.


Mme Cottu alla aussitôt voir Lamennais et la correspondance