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assez nouveau chez lui : l’amour de la patrie. Il ne comprend pas l’obstination de M. Cottu à vivre hors de France et à se priver ainsi de la douceur de respirer l’air natal. Il voudrait que Mme Cottu employât son influence à déterminer son mari à mettre fin à cet exil volontaire, et il trouve, pour traduire l’attrait du sol natal, des accens qui ne sont pas sans émotion et sans charme :


Rien ne saurait jamais remplacer la patrie. Notre berceau nous attire toujours, et près de lui, les douleurs sont plus douces que les joies ailleurs. Combien de fois, loin de ma terre natale, n’ai-je pas aspiré, avec une sorte d’émotion inexprimable, le souffle de l’Ouest qui, en passant, avait caressé nos bruyères et qui m’arrivait tout chargé de souvenirs ! Le plus beau ciel ne vaut point le ciel qui a souri à notre enfance, ni les plus délicieuses contrées, les âpres campagnes où errèrent nos premières rêveries.


Et dans une autre lettre :


J’ai bien de la peine à comprendre qu’on se prive, sans y être forcé, de ce qui existe de plus doux au monde, la patrie. On a beau dire qu’elle est partout quand on sait l’y trouver, qu’on la porte en soi-même ; il n’en est rien. L’Italie est plus belle que la Bretagne, mais jamais l’Italie ne sera la Bretagne pour moi. J’aime mieux nos bruyères que ses orangers, notre ciel gris et terne que son ciel brillant, notre Océan verdâtre que ses mers azurées. Et puis, qui me rendrait mes souvenirs ? En quel sol étranger mes racines puiseraient-elles leur sève accoutumée ? On ne meurt doucement que là où l’on a vécu et, près de se fermer, nos yeux cherchent ce qu’ils virent en s’ouvrant. C’est leur dernière joie.


De même que la pensée de Lamennais se tourne avec tendresse vers cette Bretagne où s’écoulèrent ses plus douces années, elle revient aussi vers les temps déjà lointains de ses premières relations avec Mme Cottu. On sent qu’au milieu de sa vie militante, il regrette parfois ces jours paisibles, et ces retours vers le passé attendrissent un peu cette correspondance violente et rude :


Je pense à vous bien souvent, et cela me console. L’affection si douce, si vraie, si profonde que vous avez toujours conservée pour moi a jeté sur ma triste vie un charme que je n’aurais point connu sans elle. Oui, vous êtes moi aussi, et ce qui a été séparé sur la terre sera un jour, j’en ai la confiance, réuni dans un meilleur lieu.


Et dans une autre lettre :


Croyez-vous donc que des souvenirs tels que ceux qui nous unissent