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chez l’homme ; fureur, vengeance et forfait, chez la femme, — aucun élément dramatique ne fait défaut au roman de leur aventure. Il est cruellement vrai, partant il semble invraisemblable, — mais la réalité de l’Histoire sera toujours un conte invraisemblable, le plus romanesque des romans[1].

Or, tandis que Donnadieu se désolait, au Temple, les compagnons de la « Patience » avaient décidé l’assassinat du Premier Consul.


GILBERT AUGUSTIN-THIERRY.

  1. Archives administratives de la Guerre. Trois requêtes des époux Basset se trouvent dans le dossier Donnadieu. Curieuses et suggestives malgré leur style amphigourique, elles nous apprennent l’équipée de Julie, sa grossesse et son abandon ; elles nous disent aussi l’effroi qu’inspiraient à de vieilles gens les fureurs de son amant. Rapprochés d’une lettre à Desmarest que nous avons indiquée plus haut, ces documens éclairent les ténèbres de la « mystérieuse aventure : » une fille séduite et délaissée se venge d’un suborneur. Année, qui la vit à l’œuvre, corrobore dans sa brochure les documens d’archives… « Le chef d’escadron avait alors pour amie une très jeune et très jolie personne de la rue de la Planche, fille d’une portière. Elle reçut la mission d’aller le voir au Temple… » Enfin, un rapport « d’informateur » parle de « la petite Julie de la rue du Bac » et annonce qu’elle doit le renseigner sur les faits et gestes de Donnadieu.
    Les suppliques des Basset nous révèlent encore qu’en dépit des bourrades, leur fille ressentit un renouveau d’ardeur pour l’homme à la cravache : « Le seul retour de Donnadieu à la maison, en y amenant le trouble, nous ravirait à la fois l’estime publique et l’existence, ou plutôt, le dirais-je sans frémir ? nous exposerait à la honte de voir partir sous nos yeux mêmes notre unique espoir, la seule consolation qui nous reste. » En d’autres termes, Julie voulut, une seconde fois, s’enfuir avec Donnadieu…
    Quel était ce Basset qui s’intitule « bourgeois de Paris » et « pensionnaire de l’État ? » Doit-on voir en lui le même homme qu’un certain Basset, employé jadis aux recherches par le Comité de Sûreté générale ? Peut-être. En ce cas, les accointances de sa famille avec la police s’expliquent aisément.
    Notre description du Temple et de La Force nous a été fournie par les lettres de Donnadieu à Desmarest, et par divers Mémoires d’auteurs contemporains.