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nous-mêmes, dès que la Commission eut été constituée sous la présidence d’Albufera, avant même qu’on les exigeât, nous vînmes les apporter.

J’arrivai d’abord avec Le Bœuf. J’expliquai ce que l’impatience de la Chambre ne m’avait pas permis de dire, et j’annonçai que Gramont communiquerait tous les documens que nous possédions : 1° les dépêches télégraphiques échangées entre Gramont et Benedetti du 7 au 13 inclusivement ; 2° les dépêches de Comminges-Guitaud, de Cadore et d’un ou deux de nos agens, de celui de Dresde notamment, qui nous étaient arrivées depuis. Le maréchal répondrait aux interrogations sur la situation militaire. Puis, je demandai la permission de me retirer ; des affaires urgentes à expédier me réclamaient.

Gramont arriva ensuite : il déposa toutes les pièces que j’avais annoncées. Elles étaient très soigneusement classées par numéro d’ordre, c’est-à-dire chronologiquement parce que cet ordre était fixé par les dates inscrites en tête de chacune des dépêches. Il lut et expliqua les principales. D’Albufera demanda ensuite si nous avions des alliances. « Si j’ai fait attendre la Commission, répondit Gramont, c’est que j’avais chez moi, au ministère des Affaires étrangères, l’ambassadeur d’Autriche et le ministre d’Italie. J’espère que la Commission ne m’en demandera pas davantage. » Talhouët, à son corps défendant, fut nommé rapporteur. Ce choix avait beaucoup de signification : outre que Talhouët jouissait d’une considération générale, on le savait homme prudent, n’aimant pas à se compromettre dans les affaires risquées, et sa présence signifiait que celle-là était sûre et qu’on pouvait s’y engager sans crainte. A la reprise de la séance, Dréolle, membre de la Commission, s’approcha de mon banc et me dit : « J’ai rédigé le rapport, vous en serez content. » Je fus surpris de cette confidence de la part d’un journaliste qui ne cessait de me vilipender. Talhouët lut le rapport de Dréolle qui concluait, à l’unanimité, au vote des projets du gouvernement. Il fut accueilli par des bravos et applaudissemens prolongés mêlés aux cris de : « Vive l’Empereur ! »

Ce rapport constatait le fait capital que les pièces diplomatiques avaient été communiquées. Mais fait à la hâte par un journaliste habitué aux à peu près et ne se souciant pas de préciser les faits, il contenait une erreur. Pour démontrer que le gouvernement, dès le début de l’incident, et depuis la première