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mise au procureur de la République, qui saisira le tribunal de la Seine de la question qu’elle soulève. Au surplus, cette question n’est pas douteuse ; elle a été déjà résolue judiciairement ; mais il n’est pas inutile d’y revenir de manière à fixer définitivement la jurisprudence, la surprenante faiblesse du gouvernement ayant permis à des syndicats illégaux de se perpétuer jusqu’à l’intervention d’une loi nouvelle. À quoi bon une loi nouvelle ? Est-ce que la loi ancienne, la loi de 1884, ne suffit pas ? Son article 2 est d’une clarté qui ne laisse rien à désirer : il consacre la liberté de se constituer en syndicat, sans autorisation du gouvernement, au profit des personnes qui se réunissent pour concourir « à l’établissement de produits déterminés. » Les sous-agens des P. T. T. concourent-ils à l’établissement de produits ? Non, évidemment. Ils peuvent donc s’associer, mais non pas se syndiquer : et c’est ce que le tribunal de la Seine ne manquera pas de leur dire. Ce jugement sera-t-il entendu par d’autres, par exemple par les instituteurs ? La défaillance du gouvernement dont nous avons parlé plus haut s’est produite à propos des syndicats d’instituteurs, et pourtant, s’il y en a de certainement illégaux, ce sont ceux-là. Qui pourrait dire, en effet, à quel établissement de « produits déterminés » les instituteurs concourent ?

Le gouvernement a fait preuve aussi d’une fermeté louable, mais peut-être provisoire, dans les poursuites ouvertes contre sept postiers qui, à la tribune de plusieurs réunions retentissantes, avaient tenu les propos les plus séditieux, quelquefois même les plus abominables. Leurs propos avaient ce dernier caractère lorsque les orateurs, non contens de jeter l’outrage au gouvernement qui les paie, professaient ouvertement l’anti-militarisme et l’anti-patriotisme. Sept postiers ont été suspendus de leurs fonctions et traduits devant le conseil de discipline : le gouvernement a réclamé contre eux la peine de révocation. Ils avaient été d’abord appelés à s’expliquer devant leur chef hiérarchique et avaient refusé de se rendre à cette convocation ; ils se sont également abstenus de comparaître devant le conseil disciplinaire. La raison qu’ils en ont donnée est que les faits qu’on leur reprochait n’avaient aucun rapport avec leurs devoirs professionnels, c’est-à-dire avec le service, et que, dès lors, ils n’avaient à ce sujet aucune explication, aucune justification à fournir. Les fonctionnaires, demandent-ils, sont-ils déchus de leurs droits civiques, et ne peuvent-ils pas, au même titre que les autres citoyens, émettre leurs opinions dans des journaux ou dans des réunions ? Leur vie privée ne leur appartient-elle pas ? Ne sont-ils pas libres, quand ils sont sortis de leurs bureaux