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Colombie à conclure, avec eux et la République de Panama, des accords qui rétablissent la bonne harmonie entre les trois pays. Prudemment, les Américains s’efforcent de montrer qu’ils entendent ne pas abuser de l’hégémonie que la guerre d’Espagne leur a permis d’établir dans cette région, où ils ont à la fois la suprématie politique et la suprématie commerciale.

Fidèles à leur politique de témoigner leur bon vouloir aux Républiques sud-américaines, ils ont appuyé à la seconde conférence de la Paix le projet destiné à satisfaire, en partie au moins, les partisans de la doctrine de Drago. La convention adoptée, moins radicale, décide que les Puissances ne pourront à l’avenir avoir recours à la force armée pour le recouvrement de dettes contractuelles réclamées au gouvernement d’un pays par le gouvernement d’un autre pays comme dues à ses nationaux, qu’après que l’Etat débiteur aura refusé ou laissé sans réponse une offre d’arbitrage.

Malgré les précautions de la diplomatie américaine, les préventions et les défiances persistent à l’égard des Etats-Unis chez les peuples sud-américains. Trop longtemps, les Yankees les ont traités avec dédain, ne parlant d’eux que comme d’enfans indisciplinés, que seule une politique forte saurait mettre à la raison. Ils doutent du changement d’attitude de leur voisin du Nord, et craignent qu’il ne dissimule quelque plan machiavélique. Au lendemain de la dernière conférence, un journal de Buenos-Ayres écrivait : « Pour les délégués, pour le public, pour les étrangers, il n’y a eu à Rio-de-Janeiro qu’une réunion de frères ennemis. » Ce jugement sévère dissimulait mal le dépit des Argentins, qui eussent voulu que la convention se tînt chez eux. Plus sage est cette appréciation d’un délégué américain : « Nous n’avons fait que semer, mais notre graine est excellente, et la moisson sera abondante quand viendra l’heure de la récolte. » Mais la moisson se fera attendre, et il faudra beaucoup de soins pour la mener à maturité.

Heureusement pour les Etats-Unis, ils ne rencontrent aucune rivalité sérieuse, capable de neutraliser leurs efforts. Les rivalités mêmes qui existent entre les nations de l’Amérique du Sud, et qui ne se termineront pas de sitôt, sont pour leur entreprise un élément de succès. C’est au dehors seulement que ces nations pourraient trouver un appui efficace pour résister à leur influence, Mais la seule nation qui aurait pu le leur donner, l’Espagne,