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colonisent ces régions. De plus, c’est l’Europe, et pour la majeure partie l’Angleterre, qui a fourni à ces peuples les capitaux nécessaires pour créer leur outillage économique. Ce n’est pas à moins de 5 milliards qu’on évalue les placemens faits par les Anglais en Argentine, c’est à une somme à peu près égale que l’on estime ceux qu’ils ont faits au Brésil, et à 2 milliards leurs avances au Chili. Pour en payer l’intérêt, ces pays envoient sur les marchés européens leurs produits naturels : laines, peaux, minerais, sucre, café. Et ces relations sont facilitées par le fait que, par suite de la configuration du continent américain-méridional, qui fait que le Cap San Roque est à 600 milles à l’Est de New-York, les ports du Brésil, de l’Argentine et du Chili sont plus proches des ports de l’Europe du Sud et à peine plus éloignés de ceux de l’Allemagne et de l’Angleterre que de New-York.

Pourtant, les Etats-Unis ne peuvent réussir à rendre leur influence prédominante dans ces pays qu’à la condition d’y égaler, sinon y supplanter, les nations européennes dans le domaine économique. C’est la première étape nécessaire de leur entreprise : s’ils en sont incapables ou s’ils y échouent, leurs autres efforts seront vains. Il faut qu’ils deviennent les fournisseurs et les commanditaires des peuples de l’Amérique du Sud. Sont-ils en état de le faire ? « Depuis la première élection du président Mac Kinley, — disait M. Root au Congrès commercial de Kansas City, en novembre 1900, — la population des États-Unis a pour la première fois accumulé un surplus de capital au-delà des besoins nécessaires pour le développement intérieur. Ce surplus s’accroît avec une rapidité extraordinaire. Nous avons remboursé nos dettes à l’Europe et nous nous sommes transformés, de nation débitrice, en nation créancière… Nous commençons à regarder au-delà de nos propres frontières pour l’emploi profitable du surplus de nos capitaux et pour trouver des marchés pour nos articles fabriqués. » Le moment est donc propice pour reprendre avec des chances de succès la politique dont Blaine avait clairement vu la nécessité, mais qu’il n’avait pas à son époque les moyens de réaliser. « En 1881 et 1889, les Etats-Unis n’avaient pas atteint le point où il leur serait possible de détourner leurs forces du développement intérieur, pour les diriger vers le développement des entreprises et du commerce extérieurs, et, à cette époque, les pays de l’Amérique du Sud n’avaient pas atteint, non plus, le degré de stabilité