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Philippines venait ajouter à ces espérances. On y voyait un champ fructueux d’activité, et Manille apparaissait comme le siège futur d’un emporium commercial dans ces mers éloignées. Sa fortune dépasserait bientôt celle de Hong-Kong éclipsé. Sur le marché chinois, les Américains audacieux, habiles, grâce à leurs procédés perfectionnés de production, auraient tôt fait d’évincer leurs rivaux d’Europe et de prendre une situation prédominante. Les statistiques semblaient prouver que ces ambitions n’avaient rien de chimérique. En dix années, de 1890 à 1900, les importations des Etats-Unis en Chine avaient triplé, passant de 4 millions et demi à 12 millions et demi de dollars ; leurs importations au Japon avaient quintuplé, s’élevant de 6 millions à 31 millions de dollars. Les cotonnades américaines déplaçaient sur les marchés du Nord de l’Empire chinois les cotonnades anglaises, qui y jouissaient jusqu’alors d’une sorte de monopole. Le Japon, qui s’outillait à l’occidentale, faisait aux Etats-Unis des achats de plus en plus importans de machines et de matériel, notamment pour ses chemins de fer, et il leur demandait le coton nécessaire à ses filatures naissantes. Les Compagnies américaines de navigation du Pacifique augmentaient leur tonnage pour répondre aux besoins de ce trafic accru ; M. Hill, le président du chemin de fer Great Northern Pacific, faisait construire deux immenses navires de 37 000 tonneaux.

Mais ces désirs d’expansion économique en Extrême-Orient se heurtent à des obstacles inattendus. Sans doute, les exportations au Japon et en Chine continuent à aller croissant : elles ont atteint, en 1905, 52 millions de dollars pour le premier pays, et 56 millions et demi pour le second. A l’examen, ces chiffres si beaux en apparence prêtent à de sérieuses réflexions. Les exportations au Japon se composent, pour les trois cinquièmes, de produits alimentaires, de pétrole et de matières premières, et la plus grande partie des articles manufacturés sont des machines destinées à l’outillage de ses jeunes usines. L’empire mikadonal s’équipe hâtivement, ambitieux de devenir à son tour une grande puissance industrielle. Et, précisément, l’industrie qu’il a le plus rapidement développée est l’industrie cotonnière, dont les produits font déjà concurrence sur les marchés chinois aux articles américains : or, les cotonnades entrent pour moitié dans l’exportation des Etats-Unis en Chine. Les industriels américains se demandent si, malgré le perfectionnement de leur outillage,