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« Ne vous semble-t-il pas que c’est la conduite de Mme de Tournon qu’on remarie et non pas elle-même ? »

— « Il était aussi aimé de la reine Marie qui l’aurait épousé, du consentement de l’Angleterre, sans qu’elle connût que [si elle n’avait pas connu que] la jeunesse et la beauté de sa sœur Elisabeth le touchaient davantage que l’espérance de régner. » — « Cette façon de parler ressemble assez au pour que dont M. de Vaugelas avait prédit l’établissement. On commence même à s’en servir. » — La tournure a été à la mode au XVIIe siècle, ce me semble. Mme de Sévigné écrit (27 mai 1680) : « Je serais partie aujourd’hui sans que j’ai voulu avoir [sans ceci que j’ai voulu avoir ; si je n’avais pas voulu avoir] votre réponse le même jour. » Mme de La Fayette l’emploie au moins une autre fois, à ma connaissance, dans la Princesse de Clèves : «… Il l’observait avec tant de soin que peut-être aurait-il démêlé la vérité sans que l’arrivée du duc d’Albe fit un changement [sans cet incident que l’arrivée du duc d’Albe fit un changement]. Cette tournure ne s’est pas établie parce qu’elle est très amphibologique : « Elle l’aurait épousé sans qu’elle connût… » semble vouloir dire : « ne connaissant pas que… » et signifie au contraire : « mais elle connaissait. » Ce qu’il faut, c’est : « si ce n’avait été qu’elle connaissait, » ou, par ellipse : « n’eût été qu’elle connaissait. »

— « Vous ne savez pas que le Roi d’Espagne n’a voulu passer aucun article qu’à condition d’épouser cette princesse au lieu du prince Carlos. » — « Ne semble-t-il pas que le roi d’Espagne devait épouser don Carlos ? Il est incontestable que le passage est clair pour tout le monde ; mais ce n’est que par hasard qu’il l’est. Mettez un autre mot à la place du mot épouser ; par exemple : il n’a voulu passer aucun article qu’à condition d’avoir cette princesse au lieu du prince Carlos. On ne sait ce que cela veut dire. »

— «  Il ne laissait échapper aucune occasion de voir la princesse sans laisser paraître néanmoins qu’il les cherchât. » — « Que veut dire les au pluriel avec aucune occasion au singulier ? Est-ce une faute d’impression ? Non ; car si vous lisez la, on ne saurait à quoi rapporter ce la, ou à Mme de Clèves ou à l’occasion. Enfin ce la ferait une confusion terrible. On eût pu éviter tout cela [peut-être il joue sur les mots ou tout au moins avec les mots] en disant : « M. de Nemours, sans faire paraître qu’il cherchât l’occasion de voir Mme de Clèves, n’en laissait échapper aucune. »