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répondait à Bussy, le 12 octobre : « Je n’ai vu personne qui ne soit persuadé que c’est le Père Bouhours qui a fait la critique de la Princesse de Clèves. Il s’en défend peut-être comme jésuite ; mais ce n’est pas une pièce à désavouer comme bel esprit. »

Le Père Bouhours ne s’en défendit pas comme jésuite, mais comme bel esprit, et comme n’en étant pas l’auteur. Il écrivit à Bussy : «… J’ai vu votre sentiment sur la Princesse de Clèves ; il me paraît très juste. Mais avez-vous vu la critique dont tout le monde m’a accusé et dont je suis innocent comme vous ? Il faudrait que je fusse bien hardi pour critiquer ce qui vient de ce côté-là [ce qui vient de Mme de La Fayette], et il faudrait que j’eusse perdu l’esprit pour dire autant de sottises qu’en dit l’auteur de la critique. »

Bussy n’en resta pas moins convaincu que Bouhours était l’auteur, comme on le voit par sa réponse : « Je suis bien aise que mon sentiment sur la Princesse de Clèves vous ait plu. La critique m’a charmé et je vous avoue que j’y ai trouvé tant de bon sens, tant de justesse et un si grand air de vous que je n’ai pas douté que vous ne l’eussiez faite ; car pour la hardiesse que vous dites qu’il a [qu’a l’auteur] de critiquer ce qui vient de ce côté-là, en le critiquant à propos, vous faites voir que s’il y a de la hardiesse, il n’y a point de témérité ; et pour ce qui est de ce que vous appelez sottises, qui sont galanteries à des gens comme nous [à des laïques], vous avez prétendu vous cacher par là. Cependant, mon Révérend Père, je dirai dans le monde, non seulement que vous désavouez fort cet ouvrage, mais encore que vous m’avez persuadé. »

Bouhours, qu’en somme tout cela n’amusait pas, finit par dénoncer Valincour, son disciple et ami, qui finit par avouer. On a continué de croire, sur tradition, que le Père Bouhours avait inspiré Valincour pour certaines remarques relatives au style et j’incline à le croire aussi, à cause de la ressemblance littérale de certaines « remarques » du P. Bouhours sur la grammaire et certaines observations de Valincour sur le style de la Princesse de Clèves.

Dans les Lettres à la marquise de… sur « la Princesse de Clèves, » les remarques qui portent sur le fond et celles qui sont relatives au style sont mêlées et entrelacées les unes dans les autres. Nous nous entretiendrons d’abord des premières et ensuite des secondes.